Ce lundi, à Paris, s'est ouverte la 7e conférence de l'IPBES, "le Giec de la biodiversité". Pendant une semaine, les scientifiques et représentants de 132 pays débattent sur un rapport visant à enrayer l'effondrement des espèces sauvages. Frédéric Pommier évoque le sujet à travers un hommage aux espèces déjà disparues.
Ce matin, c’est de faune et de flore que nous parlons : ces animaux et végétaux qui pourraient disparaître dans les prochaines décennies… Des espèces d’animaux, des espèces de végétaux dont, souvent, on ne connaît même pas l’existence… Parce qu’on ne sait pas tout, parce qu’on ne voit pas tout, et parce que des espèces, on en compte des millions…
A moins d’être un expert, notre ignorance est grande et l’on en prend conscience quand on se promène en campagne, en forêt, à la mer, en montagne avec un enfant.
- Qu’est-ce que c’est, cet insecte ?
- Cet insecte, eh bien je dirais... que c’est une petite bête !
- Et la fleur, là, c’est quoi ?
- Eh bien, je dirais... que c’est une grande fleur jaune !
Rentré chez soi, on se jette dans les livres et sur les écrans : on cherche une photo de l’insecte et de la fleur… L’insecte, c’était une chrysope verte… On l’appelle également « demoiselle aux yeux d’or ». Quant à la fleur, c’était une aigremoine eupatoire. On l’appelle aussi « Herbe de Saint-Guillaume » ou « Toute bonne » ou « Thé des bois ».
Elles ont de jolis noms, les fleurs. Les insectes également… L’agrion élégant, la rosalie alpine, l’éphémère, le poisson d’argent, la déesse précieuse, le leste fiancé, la magicienne dentelée, l’ascalaphe soufré, la cicadelle blanche, le capricorne de l’épine de Jérusalem…
Les entomologistes, comme les botanistes sont de grands poètes. Mais ces temps-ci, le phénomène dont on parle n’a rien, vraiment rien de poétique.
« La sixième extinction »
On dirait le titre d’un film catastrophe. C’est pourtant le résumé d’une réalité affolante : la sixième extinction de masse sur la Terre… Une crise aussi profonde que celle qui a exterminé les dinosaures. Aussi grave et bien plus rapide. Depuis le début des années 70, les espèces s’éteignent à vitesse grand V : plus de 25 000 tous les ans, et un million seraient fortement menacées ; estimation donnée à l’occasion du sommet sur la biodiversité…
Ces quarante dernières années, la moitié des animaux marins ont disparu. Hausse des températures des mers, acidité des océans, pêche intensive, pollution, le satané plastique… Si l’on ne fait rien, s’effaceront bientôt les tortues à écailles, les baleines bleues, les thons rouges et les marsouins du Pacifique…
Le phoque moine des Caraïbes a, lui, officiellement été anéanti il y a dix ans. Le dauphin de Chine, seule espèce de dauphin d’eau douce, c’était en 2006… L’otarie du Japon, en 1974. Et il se pourrait qu'un jour, il en soit de même pour les prairies sous-marines et les récifs coralliens…
Sur la terre ferme, ce n’est pas mieux.
Un massacre chez les vertébrés sauvages : population en baisse de 60%
Désormais, il n’existe plus de grizzli mexicain – sous-espèce de l’ours brun, ils vivaient aux Etats-Unis… Désormais, il n’existe plus de tigre de Java… Il n’existe plus aucun bouquetin des Pyrénées et, depuis 2011, plus non plus de rhinocéros noirs d’Afrique de l’Ouest. Ils n’ont pas survécu à la traque intempestive des braconniers…
On ne peut pas se consoler avec les batraciens. Il n’y a plus de grenouilles plates à incubation gastrique. Elles étaient pourtant très chouettes, ces grenouilles : elles donnaient naissance à leurs bébés par la bouche… Et depuis 89, plus de crapauds dorés. Une espèce du Costa Rica, couleur quasi phosphorescente.
Dans les airs, une autre hécatombe… Plus jamais, nous ne verrons de bruant à dos noirâtre… Ni d’huîtrier des Canaries… Ni de pic à bec ivoire… Et l’on ne verra plus de canard d’Oustalet, espèce dont l'habitat se limitait aux marais des îles Marianne. Les hommes ont drainé les marais pour les besoins de l’agriculture…
Spécificité de cette sixième extinction : les coupables, ce sont les hommes
Dès lors, que pourront dire les enfants de nos enfants quand ils se promèneront avec leurs enfants ?
- Qu’est-ce que c’est, cet insecte ?
- Cet insecte, voyons, tu le sais, c’est une fourmi. Il n’y a plus aucun autre insecte sur la Terre !
- Et la fleur, là, c’est quoi ?
- Ce n’est pas une fleur, c’est une bouteille de Coca Cola fossilisée.
Ensuite, peut-être se jetteront-ils sur leurs écrans, pour voir ce qu’était la faune et la flore du temps de leurs grands-parents.
- Ça, ça s’appelait comment ?
- Ça s’appelait des violettes…
- Et ça, ça s’appelait comment ?
- Ça s’appelait des abeilles…
- Et cette chose-là, c’est quoi ?
- Cette chose-là, c’est un mouton.
- Oh, dis, s’il-te-plait, dessine-moi un mouton…
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