Sarah Thomas, la marathonienne de la nage : 54 heures dans la Manche

Sarah Thomas, américaine de 37 ans, est devenue le 17 septembre la première personne à traverser la Manche quatre fois sans escale en 54 heures d’endurance
Sarah Thomas, américaine de 37 ans, est devenue le 17 septembre la première personne à traverser la Manche quatre fois sans escale en 54 heures d’endurance  ©AFP -  Jon Washer
Sarah Thomas, américaine de 37 ans, est devenue le 17 septembre la première personne à traverser la Manche quatre fois sans escale en 54 heures d’endurance ©AFP - Jon Washer
Sarah Thomas, américaine de 37 ans, est devenue le 17 septembre la première personne à traverser la Manche quatre fois sans escale en 54 heures d’endurance ©AFP - Jon Washer
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Elle s’appelle Sarah Thomas, elle a 37 ans et vit à Conifer, petite ville de montagne du Colorado, au centre des Etats-Unis, où elle bosse à la DRH d’une entreprise. Elle a deux passions. La première, c’est Ryan. Non pas Ryan Gosling, mais Ryan Willis, son mari. Il est mécanicien. Deuxième passion : la natation

Elle nage depuis son plus jeune âge, Sarah Thomas. Un vrai poisson dans l’eau. Excellentes conditions physiques ; les bras, les jambes, les abdos. Une détermination de fer et une endurance incroyable. Au lycée, elle pouvait passer des heures et des heures à faire des longueurs dans la piscine. Cela dit, ce qu’elle préfère, c’est la natation en eau libre. Du crawl dans la mer, dans les lacs. Profond sentiment de liberté… Toujours aller le plus loin possible, et ne s’arrêter qu’une fois le corps arrivé au bout de ses réserves. Sarah Thomas est une marathonienne de la nage… 10 kilomètres, 20 kilomètres, 50, 70, 80… et même 167 kilomètres – oui, oui, 167 ! – il y a deux ans, au lac Champlain, situé à la frontière canado-américaine. 

Mais quelques semaines plus tard, sa vie prend un tournant qui va l’obliger à un autre genre d’endurance. 

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Elle apprend qu’elle a un cancer ; le sein droit sans doute condamné

Pendant neuf mois, elle va lutter ; séances de radiothérapie, de chimiothérapie, puis chirurgie, mastectomie. Pour supporter le traitement, elle continue de nager en ne pensant qu’à une chose, un rêve de gamine : aller battre un record dans les eaux de la Manche. C’est cela qui la motive pour faire face à la maladie. Le matin de son 36ème anniversaire, son médecin lui fait une annonce. 

Vous êtes en rémission, mais attention, ça peut revenir !  

La réponse de la sportive ne le surprend pas. 

Avant que ça revienne, je vais tenter de relever le défi auquel je pense depuis si longtemps…

Elle s’entraîne pendant un an, obtient le feu vert médical et mardi, elle a réussi ! 

Sarah Thomas a traversé la Manche à la nage quatre fois d'affilée

Pas une, pas deux, mais quatre fois ; oui, vous avez bien lu... Jusque-là, personne n'avait accompli un tel exploit. Dans le passé, trois nageurs ont réussi à faire jusqu'à trois traversées, mais quatre traversées, elle est la première à le faire !

Quatre traversées d'une piscine, ça reste parfaitement concevable. Même une trentaine, une centaine. (Moi, je m’arrête au bout d’une et demi. C'est parce que j’ai un souffle au cœur.) Mais là, ça tient de l'extraordinaire. Nager pendant plus de deux jours : 54 heures dans la mer, à 15/16 degrés tout au plus, sans s’arrêter et sans dormir, ça semble franchement délirant !  

C’est de nuit, dans la nuit de samedi à dimanche que Sarah Thomas a donc pris le départ. De la plage de Douvres à la pointe de l’Angleterre. Direction le Cap Gris-Nez dans le Pas-de-Calais. Sans combinaison ; juste un maillot de bain, des lunettes, un bonnet, et deux lumières jaunes sur la tête et le dos

Elle pensait nager 134 kilomètres. Finalement, elle en a fait 80 de plus

À cause des courants, qui l’ont empêchée d’aller droit… 215 kilomètres pour boucler ces quatre traversées de la Manche. Elle a terminé mardi vers 6 heures 30 et c’est, dit-on, l’un des plus grands exploits d’endurance mentale et physique de l’histoire de l’humanité.

L’Américaine a donc dû batailler contre les violence des courants, mais aussi supporter le froid, la fatigue, les vagues, l’eau salée qui brûle la bouche et la gorge, les nausées, les vomissements, sans compter une piqûre de méduse au visage… Une petite équipe la suivait sur un bateau. Son mari, sa mère, des amis qui la ravitaillaient avec une bouteille accrochée à une corde… Boissons riches en électrolytes et un peu de caféine pour éviter les somnolences.

À l'arrivée, après 54 heures de nage, Sarah s’est écroulée sur la plage de Douvres. Engourdie, assommée… Aux journalistes, elle a confié qu’elle se sentait « un peu malade »… Puis, entre deux poignées de M&M’s, elle a raconté que la dernière des traversées était certainement la plus dure ; interminable, sans cesse déviée de son cap. 

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À plusieurs reprises, elle a failli abandonner

Mais deux choses l’on fait tenir : l’envie du record (c’est une compétitrice) et, surtout, le message qu'elle souhaitait porter. Elle voulait montrer qu'on peut survivre à un cancer, qu'il ne faut jamais perdre espoir et qu'il y a une vie après la guérison. Un message aux malades, en même temps qu'un hommage à celles et ceux qui se battent contre le cancer, contre les douleurs et la peur. 

Elle veut changer le regard du monde sur la maladie, et devant son exploit, on se sent tout petit, petit, petit, petit… Certains disent que la Manche, pour les nageurs, c'est comme l'Everest pour les alpinistes. Sarah Thomas a repoussé les limites de l'endurance, avec la même rage que celle qui lui a permis de vaincre son cancer du sein. 

Cette femme est une héroïne, héroïne, héroïne, héroïne. Oui, vous avez bien lu : j'ai écrit le mot quatre fois. Quatre, comme le nombre de ses traversées de la Manche.