Vivre avec un addict

Image d'illustration.
Image d'illustration. ©Getty - Aleli Dezmen
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L’association Addictions France fêtait le jeudi 15 décembre ses 150 ans à la Maison de la radio. Le téléphone sonne s’intéresse à ceux qui vivent avec des addicts. Comment identifier le problème, comment réagir, où trouver de l’aide ?

Avec
  • Amine Benyamina Psychiatre addictologue
  • Jordana Bellegarde Responsable prévention nationale d’Addictions France
  • Jacqueline Kerjean Médecin addictologue, vice-présidente d’Addictions France

Selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, en France, 5 millions de personnes boivent de l’alcool tous les jours, 900 000 personnes consomment du cannabis quotidiennement et 200 000 personnes sont addicts aux jeux d’argent et de hasard.

De plus, la polyconsommation est courante pour beaucoup de personnes dépendantes aux substances psychoactives. Ce n’est donc pas une mais souvent plusieurs substances qu’elles consomment régulièrement.

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Les substances ou les comportements d'addiction font basculer les vies de ceux qui consomment, de ceux qui se perdent, mais aussi basculer parfois les vies de ceux qui les aiment et de ceux qui les entourent. Que l'on parle de drogue, d'alcool, de jeu, de tout ce qui touche à une consommation excessive, dangereuse, on pense qu'on est seul face à cette addiction. Et d'ailleurs, on en souffre en réalité, et même sans intention évidemment de faire du mal à qui que ce soit. Mais on n'est pas seul, on a autour de soi une famille, des amis, des collègues qui ne savent pas très bien comment prendre les choses.

Comment gérer cette situation lorsqu'on est un proche d'addict ?

  • Comment devient-on addict ?
  • Comment détecter une addiction chez un proche ? Comment l’aider ?
  • À quel moment sentir qu'on est en train de sombrer avec l'autre ?
  • Vers qui faut-il se tourner ?

Que faire quand on est un proche d'un addict ?

Jacqueline Kerjean, médecin addictologue, en réaction au premier témoignage de Louise, dont le père de son enfant est addict, délivre quelques conseils. Elle explique que le rôle idéal de l'entourage est de savoir se protéger soi-même et potentiellement ses enfants. Il ne faut pas avoir de honte ou de scrupule à s'éloigner, parce que c'est parfois une étape nécessaire. Mais après, si cela est possible, il ne faut pas laisser la personne isolée. Et puis rester confiant. La personne n'est pas que quelqu'un qui a un problème d'addiction, mais elle peut aussi être une personne formidable. Il faut essayer de rester confiant parce que c'est vraie maladie, et il y a des moyens d'aider ces personnes-là à guérir, ou du moins à améliorer leur qualité de vie.

Pour Amine Benyamina, psychiatre addictologue, il y a aussi une stigmatisation des proches, qui n'osent pas se confier, parler. Même si les choses sont en train de changer, comme il le dit : "On est passé de la posture moralisatrice vers le statut de maladie." Il ajoute : "Le caractère licite ou illicite, légal ou illégal du produit, va modifier le regard de la personne, de la société sur la personne. Vous vous mettez sur un banc, vous faites un shoot... regardez l'histoire du crack. Ou vous prenez une cigarette, ce n'est pas la même chose. La cigarette tue plus que le shoot. Il y a 78 000 morts liés au tabac. Il y en a beaucoup moins liées au crack ou bien à l'héroïne. Mais le regard et le statut du produit jouent un rôle important aussi."

Le déni

Les proches d'addict font souvent face au déni de l'addiction, et ce peut être alors difficile de communiquer et d'agir quand le problème n'est pas reconnu. Jacqueline Kerjean explique que le déni a plusieurs racines : "Ça peut être purement psychologique. Une défense pour ne pas voir la situation parce qu'on est en souffrance. Ça peut être la honte qui empêche la personne de parler et d'aller vers le soin. Et il y a une découverte un peu plus récente des troubles cognitifs liés à certains produits, en particulier l'alcool et la cocaïne, où les consommations ont entraîné une perte de capacité à se rendre compte de son comportement. Et donc là, il y a un accompagnement encore un peu différent à avoir".

Selon elle, la meilleure façon d'aider les gens à vaincre, à fonctionner malgré ce déni, "ce n'est pas forcément de parler du produit, mais c'est justement de se décentrer du produit et de faire part d'une inquiétude pour leur état, sans forcément parler du produit puisque ce n'est vraiment pas une porte d'entrée qu'ils souhaitent de toute manière."

Il faut que ce soit une prise de conscience personnelle. Amine Benyamina invite également l'entourage à se protéger : "Je pense que ce qui est important, c'est que l'entourage est épuisé par l'addiction et c'est vraiment la problématique des aidants. À un moment donné, ils ne sont pas responsables de ce qui se passe et ils ont le droit de se protéger."

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

Avec nous pour en parler ce soir :

  • Amine Benyamina, psychiatre addictologue à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif, président de la Fédération française d’addictologie
  • Jordana Bellegarde, responsable prévention nationale d’Addictions France
  • Jacqueline Kerjean, médecin addictologue, vice-présidente d’Addictions France
La Tête au carré
55 min

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