Les jeunes, le genre, la sexualité : mode d’emploi

Les jeunes, le genre, la sexualité : mode d’emploi
Les jeunes, le genre, la sexualité : mode d’emploi ©Getty - We Are
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Ce soir nous parlons genre, sexualité, identité. Quel est le rapport des jeunes à la sexualité ? Comment en parlent-ils ?

Avec
  • Charline Debarre Membre du planning familial, intervenante dans les établissements scolaires
  • Jean Chambry

Dans les conversations que vous ramènent vos enfants, qui parlent de genre, de sexualité, ils savent différencier les deux aisément. Certains floutent même les frontières entre féminin et masculin.

Si la société en ce moment a souvent une réaction de rejet et lève les yeux au ciel, cela traduit peut-être tout simplement une incompréhension.

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Certains s'inquiètent et parlent même de dérive. Peut-être que c'est beaucoup plus simple et que cette génération a des choses à nous apprendre.

Extraits de l'entretien

Avec cette nouvelle génération, on a l'impression que plutôt que de pousser des cris d'orfraie, il faudrait au fond que chacun fasse sa moitié de chemin entre les plus jeunes et nous, la génération d'après.

Jean Chambry : "Je pense qu'il faut accepter qu'en tant qu'adulte, on a des choses à apprendre des jeunes. Et effectivement, il y a de nouvelles propositions sur les repères à investir.

Beaucoup de choses ont changé dans cette génération, qui accepte d'une part que ce n'est pas la biologie qui détermine l'identité. Ce n'est pas le pénis qui fait l'homme, ce pas le vagin qui fait la femme, c'est bien ce qu'on ressent être.

C'est déjà un premier saut important à faire et je crois que ça déstabilise encore un certain nombre de personnes.

Les jeunes disent qu'on peut penser son identité sans forcément répondre à l'obligation de se définir en tant qu'homme et en tant que femme, avec de nouvelles terminologies : être non binaires, être mi-femme, être mi-homme, être ni femme, ni homme, être neutre.

Pour notre génération qui a tellement intériorisé des normes autour de ces questions hommes/femmes, c'est assez déstabilisant. Je pense que ce sont de nouvelles possibilités de se penser et il faut pouvoir accueillir avec bienveillance ces discussions et rencontres autour de ces sujets."

Ca se ressent dans votre cabinet Jean Chambry ? Que vous disent les parents que vous recevez ?

"Il y a deux dimensions. Il y a les parents qui sont déstabilisés par ce discours du jeune et qui se demandent s'il n'y a pas un "trouble" qu'il faudrait détecter. Et c'est très important que nous, en tant que pédopsychiatres, nous soyons bien clairs là-dessus : Il n'y a pas de trouble psychiatrique sur ce discours et c'est une nouvelle façon de pouvoir se penser.

Il y a un petit pourcentage d'enfants et d'adolescents qui ont une réelle souffrance dans la construction identitaire et qui, eux, vont être intéressés par le fait de pouvoir envisager des perspectives de changement de corps.

Là, c'est une autre problématique. Mais il y a vraiment deux dimensions : la question de l'affirmation identitaire dans les repères culturels et de société qu'on est en train de vivre et il y a la question de la place d'un traitement médico-chirurgical, mais qui concerne une minorité de personnes."

Il n'y avait pas de modèles auxquels on pouvait s'identifier dans la génération précédente. Aujourd'hui, il y en a en tous genres. Est-ce que c'est aussi ce qui fait la différence ?

"C'est une incompréhension que peuvent parfois avoir les parents avec le sentiment que l'enfant serait sous influence, alors qu'en fait, il rencontre dans ces différents témoignages quelque chose qui fait écho avec ce qu'il ressent.

Et il a une possibilité de mettre des mots là où avant ce n'était pas possible. Et c'est ce qu'expriment des personnes trans de ma génération qui disent : "J'ai essayé d'en parler, on m'a tout de suite renvoyé, mais c'est fou !" Et quand on sent que les parents ne sont pas prêts à parler de certains sujets, les enfants renoncent à aborder ces questions parce qu'ils ne veulent pas faire de la peine à leurs parents.

Et ce qui est très intéressant, c'est que les enfants vont beaucoup plus loin, au sens qu'ils cherchent aussi à ne pas vouloir reconstruire des cases. Ils ne veulent pas remplacer des cases par d'autres cases, mais avoir beaucoup plus de liberté dans la possibilité de se penser, et évidemment, pour nous qui sommes habitués à raisonner à partir de cases, nous sommes évidemment en questionnement."

Ma fille est pansexuelle

Au téléphone, Agnès, maman de Blanche, 13 ans, explique que sa fille lui a confiée être pansexuelle. Après une longue discussion, elles sont allées ensemble à la Pride, un moment très fort pour cette maman :

"Ma fille me demande au mois d'octobre d'aller à la Gay Pride à Toulouse. […] Elle m'a expliqué qu'être pansexuelle, c'était le fait d'aimer les gens pour ce qu'ils sont, sans les genrer. En fin de compte, j'ai découvert vraiment une autre facette de ce milieu-là.

Et elle me dit qu'elle sait qui elle est, une fille. Elle n'a pas de problème d'identité et de genre, mais dans sa relation avec les autres, ce n'est pas la sexualité qui va être une barrière à aimer ou une fille ou un garçon."

Est-ce plus compliqué pour les garçons de s'assumer ?

J.C : "Il y a encore un poids très fort des stéréotypes de genre sur la question de la virilité et on voit bien qu'un garçon qui exprime sa féminité est bien moins accueilli dans notre société qu'une fille qui peut montrer quelques traits de virilité.

Charline Debarre : Je pense qu'un garçon qui se pose des questions sur la sexualité est culturellement moins accompagné au sens qu'un garçon, "doit" faire des expériences, n'a pas à se poser beaucoup de questions… Alors qu'on voit bien que dans les faits, beaucoup de garçons se posent des questions, mais vont avoir une difficulté à trouver les espaces pour pour y répondre."

On entend beaucoup de gens qui nous disent très souvent : "voilà des débats et des histoires qui sont bien parisiens ou en tout cas très citadins, très grande ville et des préoccupations au fond, qui touchent une infime proportion des jeunes et de la société."

C.D : "Ces discussions-là sont présentes partout, quel que soit le territoire. Après, ce qui va changer les choses d'un territoire à un autre, c'est que l'on n'a pas les mêmes offres d'espace de parole et d'application de séances d'éducation à la vie affective et relationnelle dans les établissements scolaires.

La personne qui est concernée sera le ou la meilleur expert ou experte de ce qu'il ou elle vit. Nous sommes dans un fonctionnement de société où on a toujours reçu par les plus anciens et aujourd'hui, non, c'est en train de s'inverser sur ces questions-là."

Je pense que c'est très positif de se dire c'est à nous, adultes, de s'asseoir et d'écouter ce que les jeunes ont à nous dire parce qu'ils sont les meilleurs experts et experts sur ces questions-là.

Traitement hormonal et chirurgie

En France, lorsqu'on est pas majeur, comment se passe une opération ?

J.C : "En France, lorsqu'on est pas majeur, tout va passer par l'autorité parentale. Il y a donc la nécessité de travailler avec les parents sur ces questions-là. En ce qui concerne les enfants, il n'y a aucune possibilité hormonale ou chirurgicale.

Le début des possibilités hormonales commence à l'entrée du processus pubertaire en début d'adolescence vers 10-11 ans. Avant 16 ans et l'entrée dans l'adolescence, c'est un processus réversible.

Quand l'enfant a une réelle souffrance en entrant dans l'adolescence avec des idées suicidaires et une souffrance psychique majeure, ce qui n'est pas banalisé, il y a la possibilité de mettre au repos le processus pubertaire, le temps que l'enfant gagne en confiance et en compréhension de lui-même.

En revanche, à partir de 16 ans, pour certains adolescents en grande souffrance et qui ne peuvent plus vivre le quotidien dans la réalité de leur corps et avec tout un accompagnement pluridisciplinaire, il y a une possibilité de proposer un traitement hormonal.

Le traitement chirurgical est limité à une approche du torse pour certains jeunes hommes trans personnes non-binaires qui en ont besoin. Il n'y a pas de chirurgie génitale chez les mineurs."

L'équipe