

Pendant un mois l'historien Antoine de Baecque a sillonné à pied cette forteresse de calcaire qui s'étend entre l'Isère et la Drôme. Il nous emmène par-delà les falaises et les hauts plateaux à la découverte du massif du Vercors et de son histoire.
C’est une citadelle naturelle. Un immense bloc de calcaire sculpté par les glaciers et l’érosion. On y monte par des grandes failles creusées en gorges ou par des cols étroits. Ces ouvertures tracées dans la roche mènent au plateau, grand plan incliné et tourmenté qui porte d’immenses forêts, des déserts minéraux et des alpages vallonnés. Bienvenue dans le massif du Vercors !

L’historien Antoine de Baecque a entrepris de sillonner à pied pendant un mois ce massif de moyenne montagne qui s’étend entre l’Isère et la Drôme. Pour ce grand amoureux de la marche, le Vercors est un territoire singulier presque intime. Ses paysages portent en eux le souvenir de ses randonnées de jeunesse. Mais cette forteresse naturelle est aussi un refuge, où l’on croise la grande Histoire. Celle des chemins empruntés par les maquisards. Celle des grottes où se sont abrités les résistants pendant la seconde guerre mondiale. C’est aussi ce passé tragique et héroïque que notre historien marcheur voulait explorer.

Antoine de Baecque raconte ses pérégrinations sur les sentiers du Vercors dans un livre intitulé « Ma Forteresse » aux éditions Paulsen. Son ouvrage alterne chronique intime, récit historique et carnet de voyage.

Cet après-midi Antoine De Baecque nous emmène marcher par-delà les falaises, les hauts plateaux et les monts effilés, et nous offre une vue imprenable sur le massif du Vercors.
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EXTRAITS DE L'ENTRETIEN
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Antoine de Baecque : "Le Vercors est un royaume qui n'est pas fait pour les humains, ils ne font que passer. Pour vivre ici, il faut être un chamois, un mouton, un lynx ou un loup. C'est un lieu sauvage, austère, désolé : c'est le plus grand désert français. Il y a très peu de refuges. Vous allez un petit peu souffrir pour parcourir ces lieux. Mais cela fait partie de l'identité du Vercors."
Il y a deux Vercors
AdB : "Plus encore que la diversité de paysages et de climats, quand on rentre dans le massif, la première chose qui apparaît, est le côté bloc impressionnant, l'unité de lieu entouré de ces falaises de 300 mètres de haut faites de calcaire gris. C'est vraiment impressionnant et c'est d'ailleurs difficile d'y monter comme ce n'est pas facile de découvrir ce qui fait l'autre spécificité du Vercors : cette mosaïque de petits pays.
Il y a donc bien deux Vercors : la forteresse naturelle minérale et cette mosaïque de petits pays qu'on peut parcourir ensuite, un Vercors plus secret."
Une forteresse naturelle très ancienne
AdB : "Les hommes se sont approprié les lieux peu à peu. Ils ont commencé par les grottes. Puis ils ont commencé à coloniser le Vercors pour y chasser et ensuite pour élever un certain nombre de bêtes, comme des rennes. Un lieu qui a été vécu pour les hommes préhistoriques comme une sorte de refuge.
Plus tard, les huguenot se sont installés, souvent dans des fermes fortifiées, dans le Sud du Vercors, dans ces petits pays du Diois, du Trièves, de la Gervanne. Ils même parfois ont réussi à prendre certaines villes, comme Die, sorte de capitale du Sud du Vercors, devenue une ville huguenote.
Cette tradition ne s'est pas arrêtée. Cette tradition d'accueil de réfugiés s'est perpétuée jusqu'aux maquisards. Plus récemment, ce sont des gens qui fuient la ville, autour de 1968, et plus récemment suite aux confinements. Comme s'ils étaient toujours à la fois accueillis et protégés par cette nature. Le Diois accueille des populations jeunes qui veulent vivre autrement."
À l'origine du livre : des souvenirs de jeunesse
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AdB : "J'appelle ce livre, une autobiographie marchée. C'est vrai que mes parents avaient une ferme dans l'Est du Vercors. Et j'y ai passé toutes mes vacances. Suite à un accident en montagne, j'ai cessé de randonner. Mais à la mort de mon père, il y a une quinzaine d'années, j'ai découvert dans l'appartement familial beaucoup de traces de cette vie de ma jeunesse. Notamment des souvenirs de cette vie de randonnées alors que j'étais adolescent que je partais alors seul sur les chemins en face de la maison.
Et j'en avais gardé des journaux, des écrits et des dessins. En les retrouvant, il y a eu comme un effet "Madeleine", et j'ai voulu repartir sur les chemins des Alpes. En 2009, je me suis lancée dans une traversée des Alpes du lac Léman à Nice, qui était une façon d'être fidèle à mon enfance."
Giono comme guide
AdB : "Jean Giono était d'abord une passion de mon père qu'il m'a transmise. Giono a passé plusieurs étés, dans cette petite région très singulière, et en même temps très intégrée au Vercors : le Trièves. Et je suis tombé littéralement amoureux de la langue assez lyrique et parfaite pour incarner les paysages en trouvant des mots qui ne sont qu'à lui. Son écriture extrêmement inventive est très soucieuse du détail, de la description.
Et puis tout à coup, elle part avec une image qui vous emporte et Giono vous fait comme survoler le paysage. Puis on se repose plus tard et on se trouve devant un ver de terre, un brin d'herbe ou un tronc d'arbre. Cette écriture de Giono à la fois extrêmement topographique et lyrique, qui m'a sûrement fait aimer le Vercors.
J'ai lu dans sa correspondance une lettre où Giono invite ses filles à venir marcher avec lui. J'ai pris cette lettre littéralement, comme si Giono s'adressait à moi pour m'inviter à venir marcher avec lui."
Les animaux du Vercors
AdB : "Le Vercors est un parc naturel régional depuis 1970. L'une des premières missions de Jean-Pierre Feuvrier et qui a dirigé, quasiment créé ce parc était de réintroduire des grands animaux. Le premier a été le lynx dans les années 1970. En 1985, la plus grande réserve naturelle de France d'à peu près 25 kilomètres de long sur cinq ou dix de large. En 1999, les vautours ont été réintroduits. Et ça a très bien marché. Il y a près de 200 couples de gypaètes aujourd'hui."
Le tour du Mont Aiguille
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AdB : "Le tour du monde Aiguille est un classique que l'on fait en trois ou quatre jours. Parfois, il est extrêmement effilé quand on le voit notamment par son pilier sud ou au contraire il peut s'arrondir. C'est le roi Charles VIII qui, passant à son pied alors qu'il se rendait vers l'Italie en 1492, a été attiré par ce défi que représentait le mont Aiguille. Il demande à l'un de ses lieutenants, Antoine de Ville, de conquérir le Mont Aiguille. Et l'homme s'exécute avec beaucoup d'échelles de corde. On appelle ces alpinistes "les escaleurs".
Cette conquête marque la naissance de l'alpinisme."
La suite (L'Histoire avec la Résistance, Marc Ferro, les villages détruits par les Allemands..) est à écouter...
À lire
Ma forteresse : Journal du Vercors d' Antoine de Baecque Paulsen
La magnifique revue revue bi-annuelle Pays dont le numéro 2 est consacré au Vercors
Les extraits sonores
Dans le Vercors avec Bernard Fourgous, Garde de la réserve naturelle du Vercors
C'est ma forêt France Inter 02.08.1997
Lecture Jean Giono, Les vraies richesses dans Récits et essais, par Eric Hauswald
Gilles TROCHARD, guide naturaliste :Les Tétras lyre à saint Agnan Je vous écris du plus lointain de mes rêves France INTER 09/06/2002
Jean Giono: n'aime pas les grands voyages, son intense curiosité pour tout ce qui l'entoure (1942)
Extrait d'« Au cœur de l’orage » documentaire consacré à l'histoire de la Résistance dans le maquis du Vercors ( par Jean-Paul Le Chanois)
Marc Ferro: L' émotion ressentie lorsqu'il découvrît le territoire libre du Vercors à son arrivée dans le maquis Un jour au singulier France Culture 04/09/1994
Reportage dans les ruines de Valchevriere avec Denise NOARO et André RAVIX
Le pays d'ici France Culture 17/12/1991
Daniel Pennac dans le Vercors CO2 mon amour 29/11/2003
La programmation musicale
CAMILLE + Yael NAIM - I walk until
Vincent DELERM - Avec Jeanne
CAT POWER - Pa pa power