

Depuis 50 ans, Pierre Déom, le père fondateur du journal La Hulotte, l'ancien instituteur de Rubécourt-et-Lamécourt, se tient à sa table. Son petit groupe d'une demi-douzaine de coopérateurs picore, compile, entasse.
-La chouette symbolise l’histoire tant elle est réputée perspicace. L'étonnante collection de publications que vous allez évoquer aujourd'hui, est nommé La Hulotte : peut-être la plus grande des chouettes. C'est dire la qualité de son regard.
Ne croyez pas qu'elle ne soit aux aguets que la nuit. A l'heure où nous parlons, à Boult-aux-Bois, petit village des Ardennes, l'atelier de la Hulotte est sûrement au travail comme chaque jour depuis l'aurore jusqu'au soir.
Pierre Déom, le père fondateur, l'ancien instituteur de Rubécourt-et-Lamécourt se tient à sa table. Son petit groupe d'une demi-douzaine de coopérateurs picore, compile, entasse.
La maison ouvre par ses fenêtres et jusque par son toit sur le bois alentour. A l'extérieur, des centaines d'yeux d'animaux, d'oiseaux, regardent les humains qui les regardent. L'équipe de la Hulotte repose sur cette multiplicité des points de vue : de même que l'homme n'est pas à l'origine de tout, le point de vue de la mouche doit être pris en compte comme celui de l'hirondelle qui la gobe.
-De l’atelier de Boult-aux-Bois, sort, peut-être deux fois l'an, un cahier de 44 pages et 105 dessins, quasi encyclopédique, consacré à un animal, souvent à un oiseau. Au bout de cent numéros consacrés à quantité d’espèces, l'équipe en est arrivée au moineau.
Et il ne faudra pas moins de trois cahiers pour cerner le sujet.
L'histoire, c'est un jeu de temporalités différentes. La temporalité de la Hulotte est lente, celle du moineau accéléré.
Pendant le mois de février, le moineau se sent un peu bizarre, la taille de ses testicules est multipliée par cent en un mois. En cette période, si la ville ne fait pas trop de boucan et que vous écoutez bien, il se met à chanter avec insistance devant un nid qu’il s'aménage, histoire de dire : "C'est chez moi" et d'inviter avec insistance les moinelles qui passent à le rejoindre. Au printemps qui vient, il multipliera les accouplements à l'infini, une couvée à peine nourrie qu'il la jette dans la nature décoratrice pour faire place à une nouvelle, comme s'il savait que sa vie s'interrompra généralement à trois ou quatre ans.
-La Hulotte en est, elle, a cinquante ans.
Elle est née d'une modeste initiative dans le milieu enseignant : c'était au départ un simple bulletin de liaison entre clubs naturalistes de différentes écoles primaires des Ardennes. Le nombre des clubs envisagé n'a pas été atteint, le plafond des abonnés a été crevé. Chaque numéro serait aujourd'hui servi à quelque 140000 abonnés. En réalité, on ne sait pas très bien.
Chaque numéro ne sortant qu'une fois prêt jusqu'au dernier bouton de guêtre, la parution est un peu irrégulière, les abonnés ne savent plus très bien s'ils le sont encore ou s'ils ne le sont plus.
La précision à la Hulotte, il ne faut pas la chercher dans le marketing, il n'y en a pas mais dans la documentation, elle est pléthore.
-justement, que nous dit La Hulotte de l'état de la population mondiale des moineaux sur laquelle nous viennent quantités informations alarmantes ?
On sait que le cri de la chouette peut annoncer des disparitions. Et on connait la citation de Chateaubriand : "Dans le silence, on n'entend que le gémissement de la hulotte."
D'abord, il faut dire que le moineau est le passereau le plus répandu sur la planète, il vit aux dépens de l'homme sans lui apporter le moindre service et il l’a accompagné partout sauf dans les forêts, jusqu'aux extrémités du monde : à Terre Neuve on l'appelle l'oiseau des glaces…
Mais d'un autre côté, il faut bien admettre que ses effectifs déclinent aujourd'hui, mystérieusement.
S'il est une expression qui revient sans cesse dans La Hulotte, c'est : les savants. Eh bien, les savants se grattent l'occiput.
À quoi attribuer la chute du nombre des moineaux ?
Il n'y a plus guère de chevaux dont ils ouvraient vivement les crottes ; les chevaux tiraient des moissonneuses batteuses lieuses au rendement approximatif qui laissaient échapper quantité de grains, elles sont aujourd'hui verrouillées ; les moineaux ne savent plus dans quelles anfractuosité se loger depuis que l'isolation écologique des logements rend ceux-ci aussi hermétiques que des bouteilles thermos ; enfin les humains ont multiplié leurs chats au point que les moineaux n'ont jamais été confrontés à de tels chiffres d'agressions contre les personnes. Que fait la police ?
Mais en réalité, aucune explication n'est satisfaisante, rien n'est simple, là encore il faut faire place à une multiplicité des points de vue.
A l'écoute des "savants", Pierre Déom reste prudent. Alors qu'il croyait à l'extinction des grands-ducs, elle n'a pas eu lieu, des secteurs connaissent d'étonnantes améliorations tandis que la destruction prend d'autres formes inattendues.
-Le grand-duc revient. Pourvu que la Hulotte demeure.
Rien n'est plus simple.
On s'abonne sur le net ou bien à Boult-aux-Bois.
Majoritairement, les abonnements sont libellés au nom des enfants qui sont bien contents de recevoir un courrier à leur nom. Mais c'est toute la famille, évidemment, qui se jette sur la Hulotte, le journal le plus lu dans les terriers.
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