Les nationalistes ukrainiens et le nazisme

People carry torches during the "March of Honor, Dignity and Freedom" in Kiev on January 1, 2020
People carry torches during the "March of Honor, Dignity and Freedom" in Kiev on January 1, 2020 ©AFP - Sergei SUPINSKY
People carry torches during the "March of Honor, Dignity and Freedom" in Kiev on January 1, 2020 ©AFP - Sergei SUPINSKY
People carry torches during the "March of Honor, Dignity and Freedom" in Kiev on January 1, 2020 ©AFP - Sergei SUPINSKY
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Été 1941, l’opération Barbarossa : l’Ukraine est la première victime. Et le début de la Grande Guerre patriotique à laquelle Poutine se réfère sans cesse.

Un moment ébranlé par l'assaut de Hitler, Staline s'adresse le 3 juillet à tout le pays : camarades, frères et sœurs, croyants et incroyants...Mais il exclut de la communauté les nationalistes ukrainiens. La politique de répression de Staline dans les années 1930 avait fourni bien des raisons à leur colère. Et d'abord l'administration par le dictateur de la Grande Famine de 1931-1933 qu'il avait utilisée comme un moyen de punir la paysannerie pour avoir refusé la collectivisation.

Staline n'avait évidemment pas laissé s'installer une opposition construite dans les limites de l 'Ukraine soviétique .Les nationalistes s'étaient réunis en deux organisations qui passaient beaucoup de temps a se disputer dans l'exil. Il y avait l'OUN M comme Melnyk et l'OUN B comme Bandera. Elles surenchérissaient l'une sur l'autre et rivalisaient dans le refus des allogènes qui ne méritaient pas une place dans leur Ukraine. C'est ainsi que les juifs qui n’étaient déjà  pas aimés par Staline ne pouvaient attendre que des pogroms de l'OUN B comme de l'OUN M.

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Quand la Wehrmacht pénètre en Ukraine, une partie des nationalistes croit pouvoir saisir l'opportunité.

Il ne me manque pas d'Ukrainiens pour accueillir les Allemands avec faveur. Et ils sont assez nombreux à les guider dans les premières actions antijuives qu'ils ne manquent pas de commettre de suite.
Stepan Bandera, le chef de l'OUN B, envoie immédiatement son second proclamer l'indépendance de l' Ukraine à Lvov dès le 30 juin 1941. Les généraux de la Wehrmacht seraient satisfaits d'avoir à leur main un gouvernement local et des troupes auxiliaires. Mais Hitler a d'autres projets pour l'Ukraine. Il expédie bien vite Bandera dont il n'a que faire en camp de concentration. Il crée en Ukraine un Reichkommissariat qui doit fonctionner purement et simplement comme un outil de colonisation : exploitation des ressources et travail forcé.
Le Reichkommissaire Koch déclare un jour :'" Y aurait-il un Ukrainien digne de s'asseoir à ma table, je l’abattrai aussitôt". A terme, l'espace vital sera réservé à des fermiers allemands vertueux qui prospéreront dans un espace écologique ...

En attendant, il faut faire avec des millions de prisonniers soviétiques, de juifs et de traine-misère dont il convient de se débarrasser le plus vite possible. Hitler lui aussi a son Plan de la Faim pour l'Ukraine.

Cette brutalité suscite très vite des résistances.

L'OUN M se réveille tandis que l'OUN B se reconstitue après l'arrestation de Bandera. Des maquis, une armée même de nationalistes vont finir par grouper une centaine de milliers d'hommes qui en viendront un moment du moins  à combiner la lutte anti allemande  au combat antisoviétique.

En parallèle, des partisans pro-soviétiques pourront se compter jusqu'à 50000 qu' il faut ajouter aux combattants ukrainiens de l’Armée rouge. On parvient à un chiffre infiniment supérieur à celui des nationalistes en armes. C'est cette échelle qu'il faut garder en mémoire, en se souvenant aussi que l'Ukraine est tout entière occupée, ce qui n'est pas le cas de la Russie, et que s'y sont déroulée les plus grandes batailles, peut-être, de l' histoire. Terres de sang, époque de fer...

Les mémoires de tous les aspects de cette immense catastrophe sont très difficiles à faire tenir ensemble.

Un million de juifs qui perdent la vie, les premiers agenouillés au bord des fosses qu’ils ont dû creuser ou bien allongés au fond: la Shoah par balle avant la Shoah par gaz. Les prisonniers soviétiques sans abri à qui on jette du pain derrière les barbelés pour les voir se le disputer. Les partisans qui entraînent les nationalistes de collabos, les nationalistes qui se déchirent jusqu'à se combattre entre eux.

Après la reconstitution de la république soviétique, les mémoires doivent s'aligner sur le modèle soviétique que Poutine voudrait retrouver dans son unicité. Mais en 1991, l'indépendance a été proclamée. Et depuis, c'est l'écartèlement. La polémique autour de la personnalité de Bandera est intense. L'homme a survécu à 1945, les services secrets soviétiques l'ont assassiné en Allemagne en 1959. Faut-il vraiment débaptiser une avenue pour lui donner son nom? Faut-il célébrer l'anniversaire du 30 juin 1941, date de la proclamation de son état éphémère?

Mais puisque la Crimée appartient de nouveau à la Russie, il faudrait aussi ne pas taire que Staline pendant la guerre en a déporté les Tatars, les Grecs, les Arméniens, les Bulgares. En 2018, la Rada, le Parlement de Kiev, accordé le statut d'ancien combattant aux nationalistes armés d’après 1941. A condition ils n'aient pas été compromis dans un crime contre l'humanité.

On n'a pas fini de peser les engagements des uns et des autres.