14 janvier 2011 : Ben Ali quitte précipitamment la Tunisie

Manifestants devant le Ministère de l'intérieur à Tunis le 14 janvier 2011 réclamant le départ du président Zine el-Abidine Ben Ali
Manifestants devant le Ministère de l'intérieur à Tunis le 14 janvier 2011 réclamant le départ du président Zine el-Abidine Ben Ali ©AFP - Fethi Belaid
Manifestants devant le Ministère de l'intérieur à Tunis le 14 janvier 2011 réclamant le départ du président Zine el-Abidine Ben Ali ©AFP - Fethi Belaid
Manifestants devant le Ministère de l'intérieur à Tunis le 14 janvier 2011 réclamant le départ du président Zine el-Abidine Ben Ali ©AFP - Fethi Belaid
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La crise de 2011 a éclaté pendant les vacances de fin d'année alors que les touristes occidentaux affluent en Tunisie pour goûter la douceur de la température. Rares parmi eux sont ceux qui veulent bien voir qu'ils sont venus visiter un état policier.

Il y a dix ans, en Tunisie, tombe le régime dictatorial de Ben Ali

C'était un militaire devenu policier et, de chef de la sûreté, président. Le système Ben Ali tenait depuis près d'un quart de siècle. Sa chute surprise provoque une onde de choc : on parlera de "printemps arabes".

La crise a éclaté pendant les vacances de fin d'année alors que les touristes occidentaux affluent en Tunisie pour goûter la douceur de la température. Rares parmi eux sont ceux qui veulent bien voir qu'ils sont venus visiter un état policier. Des agents en civil, patibulaires, un peu partout. Le nom de Ben Ali qu'on ne prononce qu'à voix basse tandis qu'à voix haute on doit dire son contentement. Il est vrai que le pays affiche une belle croissance et qu'il se targue de faire écran à l'islamisme radical.

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La mise en mouvement de la société vient d'un angle mort. Le pays compte beaucoup de jeunes, plus souvent éduqués que dans d'autres pays comparables mais ils sont chômeurs dans une grande proportion. Des zones entières de la Tunisie sont laissées pour compte. Le 17 décembre dans l'une d'elles, à Sidi Bouzid, 250 kms de la capitale, Mohamed Bouazizi, jeune bachelier, tente de vivre avec une charrette de fruits et légumes. Elle lui est confisquée par la police. S'estimant victime d'une injustice de trop, il s'asperge d'essence et s'immole en public.

La colère se répand peu à peu en dépit du silence observé pendant trois semaines par les médias officiels. Les relais de l'information seront Al Jazeera, la chaîne qatarie qui n'hésite pas à montrer les scènes de violence et les réseaux sociaux dont le rôle commence à être déterminant.

Ben Ali intervient une fois, deux fois pour dire à la population qu'il reste ferme. Mais la direction du puissant syndicat semi-officiel, l'UGTT, ne parvient plus à retenir sa base. Le 13, le président concède beaucoup de terrain: il ne se représentera pas au terme de son xième mandat, il annonce un changement de gouvernement.

14 janvier : Scène 1 au Palais de Carthage, menacé d'un siège par la foule

Ben Ali ne ressemble plus à la photo officielle affichée un peu partout dans le pays : droit comme un i, le cheveu de jais, calamistré. Il affiche plus que ses 75 ans.

Seriati se tient en face de lui. C'est le puissant chef de la sécurité qui supervise l'armée, moins équipé et moins sûre que la garde présidentielle.

Seriati tente un décompte des morts. Ben Ali ne serait pas gêné de l'augmenter ; il veut seulement qu'il soit tu.

Seriati insiste sur le danger qui entoure les Trabelsi. Les Trabelsi, c'est la nombreuse famille de Leila, la deuxième épouse du président, beaucoup plus jeune que lui. Ils ont mis le pays en coupe réglée. Ils vivent sur la bête. C'est contre eux que la colère s'est cristallisée. Halima, fille du couple, a téléphoné : les Trabelsi nous submergent au Palais, il y en a que je n'ai jamais vus, pourriez-vous leur trouver un avion ?

On leur prépare un appareil.

A 15 heures, ordre est donné de faire préparer aussi, et fissa, l'avion présidentiel.

Scène 2, deux heures plus tard

Nous sommes maintenant sur la base militaire qui partage ses pistes avec l'aéroport de Tunis Carthage. Un convoi d'une douzaine de voitures a accompagné la limousine qui transporte la famille immédiate du président, conduite par Leila à toute vitesse.

Il est prévu d'annoncer que le président a accompagné ses proches pris d'une envie subite d'aller à La Mecque. Mais Seriati recommande à Ben Ali de monter lui-même dans l'avion.

Ben Ali : "Mais je les accompagne et je rentre aussitôt".

Seriato: "Ne revenez, monsieur le président, que lorsque je vous aurai appelé." Seriati sera bientôt en état d'arrestation et privé de ses téléphones portables.

Ben Ali restera dans le cockpit pendant tout le voyage. A Paris, Nicolas Sarkozy n'a pas souhaité le recevoir. Après tant d'années de coopération étroite et alors que sa ministre de l'Intérieur vient de proposer que la police française vienne aider la tunisienne ! Ben Ali atterrira finalement à Djeddah.

Ben Ali est mort en Arabie saoudite en 2019. Et les morts de la révolution tunisienne ?

La publication de leurs noms au Journal Officiel de la République tunisienne est attendue ! Avec à la clé, le droit à des soins et à une indemnisation.

A Paris, après les Trois glorieuses de 1830, les insurgés martyrs avaient attendu dix ans leur transport à la colonne de Juillet de la place de la Bastille. Le gouvernement français, précautionneux, craignait en tisonnant les braises de rallumer la flamme.

Les régimes issus d'une révolution sont souvent tentés de diminuer l'évènement qui les a fondés. Pourtant s'il y a des échecs, ils ne sont pas à imputer à la révolution en elle-même à laquelle tant de vies se sont sacrifiées mais à la transition qui a suivi. Non ?

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