Dante et la langue italienne

Monument à Dante sur le parvis de la basilique Santa Croce de Florence
Monument à Dante sur le parvis de la basilique Santa Croce de Florence ©Getty - ullstein bild
Monument à Dante sur le parvis de la basilique Santa Croce de Florence ©Getty - ullstein bild
Monument à Dante sur le parvis de la basilique Santa Croce de Florence ©Getty - ullstein bild
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L'italien de Dante c'est comme une grenade où se serrent de multiples graines, latine évidemment, phénicienne, étrusque, grecque, normande, française. Cette langue, dont Dante est révéré comme le créateur, aura prochainement son musée à Florence.

-1265, 1965, l'anniversaire de sa naissance. 1321, 2021, l'anniversaire de sa mort. Dante est célébré avec une belle régularité par l'Italie qui a instauré un Dantedi, un jour Dante, le 25 mars, date choisie pour la présentation cette année d'un Musée de la langue italienne.

"Je me trouvais dans une forêt obscure car je m'étais égaré hors de la voie droite". Le premier vers de L'Enfer livré à un premier public en 1316. Voyage de 48 heures, effectué au pas de course dans les cercles des supplices, accompagné de Virgile. Puis passage au Purgatoire, dont Dante fut l'un des inventeurs. Et le Paradis enfin, la liesse éternelle. Virgile, figure mélancolique qui ne pouvait connaitre les temps qu'il annonçait, a laissé sa place à Béatrice le grand amour de Dante, disparue à l'âge de 24 ans : "S'en est allée Béatrice au plus haut des cieux en ce royaume où les anges ont paix". Dans sa montée dans les sphères célestes, le poète n'est pas seul. Se presse autour de lui toute l'humanité - la Divine Comédie peut concerner les juifs et les musulmans. Et au premier chef bien sûr, l'Italie avec tous les siècles de son existence.

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-Et sa langue dont Dante est révéré comme le créateur.

Il peut écrire évidemment en latin. Ainsi dans De vulgari eloquentia mais c'est pour défendre aux face aux lettrés la langue vulgaire qui, leur dit-il, peut devenir illustre. Dans le Convivio, en italien cette fois, il répète le même raisonnement : au banquet du savoir consommé par les clercs en latin, pourquoi les laïcs ne recevraient-ils que des miettes ? Dante, en cent chants et 14000 vers invente un italien qui n'est plus une langue cléricale ni non plus cette langue curiale où se pratiquait une poésie courtoise déjà italienne mais autour des princes uniquement. Ni davantage un de ces régionaux, difficilement compréhensibles d'une partie de la péninsule à l'autre. Non, une langue capable de s'adapter à tous les registres de discours.

-Une langue qui fasse nation, faute d'état commun avant longtemps.

Récemment, l'Italie donnait l'impression de se défaire sous l'effet de forces centrifuges. Aussi l'idée est-elle venue en 2020 à Giuseppe Conte, alors président du Conseil, de porter devant le Parlement le projet d'un musée de la langue italienne. C'était le bon moment. Depuis ces tout derniers temps, dans la péninsule, les forces centripètes l'emportent de nouveau sur les centrifuges. L'idée de musée a fait l'unanimité.

Le lieu choisi a été évidemment Florence dont Dante fut exilé en 1302 et qu'il ne revit plus avant sa disparition en 1321.

Et à Florence, Santa Maria Novella, le grand établissement dominicain. Un vaste espace pouvait y être aménagé qui aurait dû ouvrir cette fin de mars si la situation sanitaire l'avait permis.

-Mais le musée à venir avait choisi la carte numérique, plus rapidement disponible.

La consultation à distance comme plus tard les jeux sur place permet en effet de comprendre, d'expérience, comment la langue s'est constituée progressivement, combien d'emprunts divers la consolident.

L'italien de Dante c'est comme une grenade où se serrent de multiples graines. Latine évidemment, phénicienne, étrusque, grecque, normande, française. Le parcours de Santa Maria Novella fera goûter tout cela.

Le ministère pour les Biens culturels est justement fier d'avoir mis si rapidement ce projet sur orbite. Il lui est arrivé peu avant d'errer gravement en confiant une superbe chartreuse du Latium Trisulti, à Steve Bannon, l'ancien conseiller de Trump qui caresse le projet d'y créer une académie de défense de la civilisation judéo-chrétienne, une école, je cite, des gladiateurs du souverainisme.

Le ministère tente pour l'heure de sortir de ce piège. Et préfère parler de Santa Maria Novella : Dante évitait de nommer Dieu et ne pratiquait que l'élargissement.