

Churchill pensait que le Royaume-Uni se tenait à l'intersection de trois cercles : l'Empire devenu Commonwealth; ensuite les grands pays démocratiques de langue anglaise dont la tête de file était les Etats-Unis; enfin, l'Europe.
-Déjà trois semaines que vous n'avez pas cité le nom de Churchill, qui devait être le gimmick de votre chronique. En revanche, outre-Manche, Boris Johnson continue à agir au nom de son modèle. Dans la négociation sur le Brexit qu'il est en train de malmener, il pense certainement au génie de la provocation dont Churchill faisait preuve. Il y pense dès le matin, en courant.
Oui parce, dorénavant, aux aurores, Boris Johnson, 108 kilos pour 1m77 au moment de son investiture, fait son jogging ! Qu'on se le dise ! Et si on lui fait remarquer que Churchill recommandait : "Surtout, no sport", il répond que rien n'assure que son prédécesseur ait jamais dit cela. Churchill, excellent nageur, joua au polo jusqu'à plus de 50 ans, monta à cheval jusqu'à plus de 75. Et il aurait été évidemment capable du mot d'humour qu'a eu Boris Johnson : "Quand on court le matin jusqu'à plus soif, rien de pire ne peut vous arriver dans la journée!" Toutefois il et ne se serait pas fait photographier essoufflé et souffrant auprès d'un fringant accompagnateur: imaginez-vous Churchill coiffé par un coach ?
-"No sport", formule à ranger au magasin des apocryphes, OK, mais Churchill à bien parlé dès 1930 des Etats-Unis d'Europe. Là, Boris Johnson n'est pas dans le même couloir que son maître.
On dispose maintenant en France, chez Perrin, de la traduction de l'impressionnante biographie d'Andrew Roberts. Qu'on la lise ! Elle fait très bien le point sur les positions du vieux lion concernant l'Europe. Mais Johnson lui aussi avait tenté une biographie de Churchill, parue il y a cinq ans en français chez Stock. Et le chapitre sur l'Europe dit bien l'ambivalence qui fut celle de Churchill et qui était encore il y a peu d'années celle de Johnson.
Churchill pensait que le Royaume-Uni se tenait à l'intersection de trois cercles : l'Empire devenu Commonwealth; ensuite les grands pays démocratiques de langue anglaise dont la tête de file était les Etats-Unis; enfin, l'Europe.
L'Europe dont il souhaitait qu'elle s'organise en Etats-Unis. Il le dit de plus en plus haut après 1945 quand il a perdu les élections anglaises et que, devenu chef de l'opposition, il espère revenir au pouvoir grâce à son prestige international qu'il entretient par de grands discours, à Zurich, La Haye, Strasbourg.
Non plus qu'il n'aurait pris un coach, Churchill n'aurait pas mis pas le mot Europe entre guillemets comme Johnson le fait dans sa biographie. Il recommandait au contraire aux Français et aux Allemands de se sentir autant européens que Français et Allemands
-Il ajoutait cependant : "Nous sommes avec l'Europe, sommes-nous en Europe ?"
Il n'est pas au pouvoir quand est la lancée la première institution intégratrice, la Communauté économique du charbon et de l'acier. Aux Communes, il dit au gouvernement travailliste qu'à sa place, il y serait évidemment entré. Johnson l’imagine alors dans l'Olympe de l'Europe, couché aux cotés de Schuman, Spaak, de Gasperi et mangeant les grappes de raisin de la Politique Agricole Commune.
-Oui mais quand il revient aux affaires, entre 1951 et 1955, il ne cherche aucunement à intégrer les institutions européennes naissantes. Il a été le témoin mais il n'entre pas dans le mariage.
Johnson explique cette nouvelle position par une métaphore empruntée à la boulange. Quand la tarte aux pommes est dans le four, il est trop tard pour intervenir.
Il y a tout de même un hic. Aujourd'hui, Johnson veut modifier par un projet de loi nationale certains termes de l'accord signé fin 2019 : à l'époque, il disait pourtant disait que c'était un accord abouti, "prêt à être mis au four". Il en était partie prenante. On ne peut pas signer d'un côté et retirer sa signature de l'autre. "On ne peut pas être au four et au moulin."
Ouvrage : Boris Johnson Winston. Comment un seul homme a fait l'histoire Stock
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