Educateur à l'origine, Joseph Ponthus s'était installé en Bretagne pour rejoindre sa bien-aimée. Il n'avait trouvé d'autre travail que celui d'intérimaire dans les abattoirs ou les usines de transformation des crustacés et du poisson. Se lever à pas d'heure, pour rejoindre en voiture une usine en périphérie...
-Semaine marquée par l'anniversaire de la Commune. Du coup, il est encore temps de rendre hommage à Joseph Ponthus, mort prématurément à 42 ans et dont le livre "Feuillets d'usine" avait rappelé à la France que les ouvriers, quoique rendus invisibles, sont toujours là.
Educateur à l'origine, Joseph Ponthus s'était installé en Bretagne pour rejoindre sa bien-aimée. Il n'avait trouvé d'autre travail que celui d'intérimaire dans les abattoirs ou les usines de transformation des crustacés et du poisson. Dans le sang : charger les cochons sur le dos. Dans le froid : traiter la crevette, le crabe, la langoustine et aussi le bulot, "le plus con des coquillages". Allez, aux bulots ! Se lever à pas d'heure, rejoindre en voiture une usine en périphérie et se dire au bout de la journée : "Ça va bien finir par finir". Puis rentrer souvent brisé. Et le chien vous faisant fête, tenter d'écrire pour rester debout et rendre compte de sa vie, de celle de ses copains. Ecrire des phrases qui seront des vers. Et qui, publiées à la Table ronde il y a deux ans, trouveront un très large public.
On dit qu'il n'y a plus de classe ouvrière. On a simplement disséminé les usines entre périphérie urbaine et campagne. Et dissimulé les mots : pour les DRH, Ponthus était opérateur de ligne, il ne peut plus y avoir d'ouvriers à la chaine.
-Joseph Ponthus est mort trop tôt pour nous donner un livre où il aurait expérimenté un autre genre. Il restera comme un auteur de la littérature" prolétarienne".
C'est un genre noble. Qu'est-ce qui empêche qu'on connaisse davantage de grands textes comme "Les timides aventures d'un laveur de carreaux" de Georges Michel, "Voyage à Paimpol" de Dorothée Letessier, "Laminoir" de Jean-Pierre Marti ? Ponthus tenait aussi en haute estime le "Journal d'un manœuvre" de Thierry Metz qui écrivait : "Où que tu sois, même à la place la plus modeste, les instants de ta vie t'appartiennent et ta vie mérite d'être racontée." Et qu'est-ce qui a fait que la vie de Thierry Metz s'interrompe, elle, avant même ses 40 ans ?
-Joseph Ponthus avait aussi beaucoup lu "La condition ouvrière" de Simone Weil, journal, juste avant le Front populaire, d'une expérience en usine d'une professeure de philosophie.
Il avait participé à l'une des premières émissions d'Intelligence Service consacrée à Simone Weil. L'enregistrement avait eu lieu au mois d'août. Il s'apprêtait à reprendre sa tournée des librairies, entreprise avant le confinement. Nous avons déjeuné ensemble, en terrasse, avec sa femme et son chien. Il s'était posé ensuite chez moi, avec sa pipe et un exemplaire, très culotté, de Simone Weil. Les livres qu'il pratiquait devaient être tous ainsi. Pliés, cornés. C'étaient des compagnons. J'ose le mot : camarades.
-Un texte posthume vient cependant de nous parvenir.
La scène que je vous ai décrite se passait dans le XIVème arrondissement, l'arrondissement d'Henri Calet pour qui Ponthus a écrit la préface qui est sorti il y a peu. Calet, c'était un écrivain couleur toits de Paris qui essayait d'allonger le temps en marchant beaucoup à pied. Lui aussi est mort trop tôt. Les amateurs connaissent "Le tout sur le tout", "La belle lurette". Viennent d'être rassemblés d'autres de ses textes, oubliés. Le titre: "Je ne sais écrire que ma vie". Je lis ceci dans la préface de Ponthus : "Comme Calet, je suis du peuple et je n'ai été que ça."
Ouvrage : Henri Calet Je ne sais écrire que ma vie (avec une préface de Joseph Ponthus) Presses Universitaires de Lyon
L'équipe
- Production