

On ne sait plus bien pourquoi la Guerre de 1870 a été déclarée. Au départ, une obscure question de succession au trône d'Espagne. Et sans doute la volonté du chancelier prussien Bismarck d'utiliser l'affaire pour déclencher un conflit qui pourrait accélérer l'unification de l'Allemagne...
-Encore un anniversaire ?
Oui et je vous en demande pardon. Il faudra un jour se demander comment nous sommes passés du régime des fêtes à celui des anniversaires. Rien que ces derniers jours, j'aurais pu vous parler de Saint-Augustin qui est un peu le patron des historiens, de Saint-Fiacre qui est officiellement le patron des jardiniers etc.
Convenez tout de même : la défaite de Sedan au début de septembre 1870 n'a été évoquée ces derniers jours quasi nulle part. Pourtant, sans Sedan, pas d'anniversaire, le 4 septembre, du rétablissement de la République !
-De toutes nos guerres, celle de 1870 n'est pas celle qu'on préfère.
On ne sait plus bien pourquoi elle a été déclarée. Au départ, une obscure question de succession au trône d'Espagne. Et sans doute la volonté du chancelier prussien Bismarck d'utiliser l'affaire pour déclencher un conflit qui pourrait accélérer l'unification de l'Allemagne. Le gouvernement français dirigé par Emile Ollivier tombe dans le piège alors que son armée n'est pas prête. L'empereur Napoléon III aurait mieux fait de consolider l'évolution de son régime vers le libéralisme que la population avait consacrée par plébiscite en mai. Il aurait pu assurer, alors qu'il était très malade, la succession de son fils, un adolescent blond comme les abeilles d'or, disait Théophile Gautier, et qu'on surnommait Loulou. Quant à l'impératrice, Eugénie comme chacun sait, pourquoi diable poussait-elle les feux du nationalisme en multipliant, en bonne espagnole dévote, les signes de croix ?
-Dès la déclaration de la guerre par la France en juillet, Eugénie se retrouve régente aux Tuileries alors que l'empereur est parti aux armées.
Et, à la première occasion qui se présente, elle se débarrasse du gouvernement libéral d'Emile Ollivier qu'elle déteste pour le remplacer par un petit groupe de durs, les mameluks.
Elle a aussi éloigné son époux à la tête de ses armées. "C'est cet homme-là que vous expédiez au front ?", lui reproche la princesse Mathilde. Il faut savoir que Napoléon IIl est atteint de la maladie de la pierre : des calculs dans la vessie qui provoquent des douleurs intolérables dans le ventre, les reins, comme s'il était piqué de milliers d'épingles. Il ne supporte plus de monter à cheval ni même de se déplacer en voiture. Il est comme une soupière brûlante que ses généraux doivent transporter avec d'infinies précautions sans en verser une goutte.
-Le mouvement des troupes que l'empereur encombre tourne vite à la débâcle
L'Alsace est perdue dès le début d'août. Les Allemands occupent le Nord. Assiègent Metz. Napoléon III rejoint à grand' peine les troupes encore mobiles que Mac-Mahon a regroupées tant bien que mal dans les Ardennes. Pour aller aider Metz, il est hors de question de passer par la Belgique, dont il faut respecter la neutralité, puisque les Allemands l'ont fait.
Les Français se retrouvent coincés dans la forteresse de Sedan. Le 1er septembre, Napoléon III, voulant donner une dernière fois l'exemple, s’y tient surexposé à cheval pendant six heures. Il a bourré sa culotte de serviettes-éponge. On imagine l'effort pour lui. Mais la fortune ne lui sourit même pas dans la recherche du suicide.
-Il fait hisser le drapeau blanc
Ce Bonaparte fait exception dans sa famille. Il a le souci d'économiser la vie de ses hommes. Il sera fait prisonnier, comme 82000 autres Français. Le 4, la dépêche où il annonce le désastre parvient à Paris qui se soulève.
Avant la guerre, les Français jugeaient plutôt positivement l'Allemagne, terre de la science et des arts. Après son unification et avec l'occupation d'une bonne partie de la France qui se prolongera interminablement, l'hostilité va s'installer au plus profond du pays jusque dans les milieux intellectuels où commence ce qu'on a appelé la crise allemande de la pensée française.
Exilée en Angleterre, Eugénie sera une des plus ardentes ennemies de l'Allemagne. Elle ruminera ses griefs jusqu'à plus d'âge. Au lendemain de 1918, elle a 92 ans, elle se serait fait porter à bout de bras dans la crypte où elle a enterré Napoléon III et son fils Loulou, tué par les Zoulous à 23 ans. Et elle aurait lu à haute voix à son mari, allongé depuis 1873, le traité de Versailles de 1919. Cette scène en dit long sur la relation franco-allemande.
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