Au théâtre, l'après-midi se dit matinée... Il était plus simple de donner les spectacles à la lumière du jour qu'à la lueur des chandelles, les gens oisifs avaient du temps libre dès le matin... Bref, des pièces pouvaient se donner vers 10 heures et demie- 11 heures, avant le diner, en matinée donc.
- Le couvre-feu s'étend; les salles de spectacles, si elles veulent rester ouvertes, doivent donner leurs spectacles l'après-midi. Sauf qu'au théâtre, l'après-midi se dit... matinée.
Il faut chercher l'explication dans l'histoire des repas.
La collation du matin s'est longtemps appelée le dé-jeuner, fort logiquement: on rompait le jeûne du matin. Le dîner avait lieu vers une heure de l'après-midi et se terminait à peu près au moment où nous nous parlons.
Il était plus simple de donner les spectacles à la lumière du jour qu'à la lueur des chandelles, les gens oisifs avaient du temps libre dès le matin... Bref, des pièces pouvaient se donner vers 10 heures et demie- 11 heures, avant le diner, en matinée donc.
-Et ensuite, la matinée descend plus bas dans la journée.
A mesure que le dîner glisse lui-même à 3 heures de l'après-midi puis à 5 heures - on ne disait pas 15 ou 17 heures. Pour atteindre au cours du XIXème les 7 ou 8 heures du soir. Et parfois aujourd'hui - pardon; hier - 21 heures.
La possibilité du spectacle d'avant dîner demeure. C'est ainsi qu'il reste une matinée tout en n'en étant plus une. La logique de la langue l'emporte sur celle du sens.
Le Dictionnaire étymologique Robert signale l'utilisation du mot dans cette acception pour le monde du spectacle en 1868.
-Avant même l'époque présente, la matinée est nécessaire à l'économie des théâtres.
Elle se pratique surtout le week-end et convient bien aux personnes qui viennent de loin et aussi bien aux jeunes qui viennent parfois avec leurs enseignants. Pour en avoir accompagné beaucoup, je peux dire que c'est un des plus beaux rôles du professeur. Un souvenir cuisant cependant. Un dimanche après-midi au Théâtre du Rond Point, "C'est beau" de Nathalie Sarraute. Sur scène, un couple a emmené le fils au musée et attend qu'il dise: "C'est beau" mais le fils s'y refuse obstinément. Les parents s'énervent. Et voilà que, depuis la salle, une de mes élèves prend très haut le parti du garnement et l'encourage fort. La honte quand Emmanuelle Riva interrompt le spectacle et s'adresse à notre groupe dans des termes que je préfère oublier...
-La réduction des horaires des spectacles aujourd'hui amène souvent à comparer 2020 et les années 1940
Pendant l'occupation, on joua l'après-midi et le soir devant des salles de plus en plus pleines jusqu'à l'automne 43. C'est seulement après que les vraies difficultés commencèrent, l'électricité manquant et les bombardements menaçant davantage.
En novembre 1943, la Comédie française fit néanmoins le pari de donner "Le Soulier de satin" de Claudel en dépit de sa longueur. La représentation commençait...en matinée à 17h 30 pour se terminer à 22h30, avant le dernier métro. Ce fut un triomphe jusqu'à la suspension provisoire en juin 1944. Dans les ténèbres, le verbe de Claudel nourrissait de foi, de beauté et d'espérance. C'était du pain. Une légère collation était cependant servie à l'entr'acte en échange de tickets d'alimentation Mais un étrange état de sensibilité collective et de communication collective faisait oublier le dîner: la force du spectacle avait pour une fois aboli la césure de la matinée et de la soirée.
-Tout de même, sortant de cette représentation du "Soulier de satin" mise en scène par Barrault, Sacha Guitry déclara: "Heureusement qu'il n'y a pas la paire"
Je comprends que vous attendez une réplique. Je citerai celle de Shakespeare dans "Henri IV", une pièce qu'il écrit en 1606 pendant que les théâtres de Londres sont fermés pour cause de peste: "L'esprit, comme l'ineptie d'ailleurs, s'attrape comme une maladie, par contagion... Que les gens prennent donc garde à la compagnie qu'ils fréquentent".
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