Le monde au lendemain de la mort du général de Gaulle

La presse britannique annonçant la mort du général De Gaulle le 10/11/1970
La presse britannique annonçant la mort du général De Gaulle le 10/11/1970 ©Getty - Central Press
La presse britannique annonçant la mort du général De Gaulle le 10/11/1970 ©Getty - Central Press
La presse britannique annonçant la mort du général De Gaulle le 10/11/1970 ©Getty - Central Press
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Dans sa communication hebdomadaire au Conseil des ministres, Maurice Schumann, alors locataire du Quai d'Orsay, relève que le fait numéro un de la semaine du 10 novembre 1970 dans le monde a été la mort du général de Gaulle.

-"On va voir qui j'étais quand je n'y serai plus", disait Victor Hugo. La phrase aurait pu être reprise par le général de Gaulle.

Dans sa communication hebdomadaire au Conseil des ministres, Maurice Schumann, alors locataire du Quai d'Orsay, relève que le fait numéro un de la semaine dans le monde a été la mort du général. L'ancien porte-parole de la France libre insiste évidemment sur l'hommage rendu à son rôle dans la guerre que résume bien le message du président chilien Eduardo Frei : "Seul à Londres, il n'était rien ni personne mais au tréfonds de l'âme de cette grande nation, il est comme une incarnation de son histoire et de son destin".

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-Oui mais pour le vaste monde, le général était l'homme du 18 juin mais de quelques autres dates tout de même. En Afrique par exemple.

Les leaders des pays francophones retiennent plutôt le souvenir de l'intérêt commun qui les avait rassemblés avec le général pour réaliser promptement une indépendance sans rupture avec la France. Ils sont plusieurs à parler du général comme d'un parent. Exception, la Guinée qui a fait sécession mais Sekou Touré dans son message choisit de ne pas insister sur les vicissitudes de l'histoire. Un seul couac, du côté anglophone, avec le Nigeria - De Gaulle a soutenu les séparatistes du Biafra et le gouvernement de Lagos en reste blessé.

Et du coté des pays arabes ?

La mort de De Gaulle redouble l'effet produit par celle de Nasser quelques semaines plus tôt. Pendant la guerre perdue en 1967 contre Israël, De Gaulle avait penché de son côté. Aujourd'hui, Israël fait mine de ne pas s'en souvenir et envoie son plus grand homme, Ben Gourion, mais chez les Arabes, on répète de mille manières sa reconnaissance pour l'attitude de De Gaule contre "l'injustice et l'agression". Nous sommes dix ans avant l'onde de choc de la révolution iranienne dans le monde arabe et Paris croit à l'avenir dans la région des régimes dits laïques

-Et du côté des "Grands» ?

La Chine n'est pas encore redevenue un "Grand". Mais de Gaulle l'a reconnue en 1964, provoquant la rupture par Formose/Taiwan de nos relations : Tchang Kaï Chek, un des alliés de la Seconde Guerre, ne se manifeste pas.

L'avantage que comptait engranger la France en tant que partenaire occidental pionnier se volatilisera assez vite après la mort du général à cause de la politique du nouveau président américain qui reconnaîtra à son tour Pékin. Les relations avec Kennedy n'avaient pas été bonnes en dépit les photos glamour dont nous avons le souvenir ; celles avec Johnson exécrables : "un cow-boy, disait le général, qui ne se donne pas même pas la peine de faire semblant de penser". Celles avec Nixon s'annonçaient excellentes. L'américain en était presque venu à penser que le discours du général à Phnom Penh contre la guerre du Vietnam était justifié. Il était venu à Paris six semaines après sa prise de fonction et De Gaulle avait répondu oui à son invitation pour une visite officielle.

-Comme quoi les lieux communs méritent révision. L'ultime De Gaulle était en voie de réconciliation avec les Ets-Unis et en froid avec Moscou malgré le téléphone rouge mis en place.

L'occupation de la Tchécoslovaquie avait mis De Gaulle en alerte. L’URSS imposait toujours sa loi à son bloc. Il ne s'en étonnait qu'à-demi. Dans certains pays, il ne faut attendre que des changements lents. En ce qui concerne l’Algérie, par exemple, où le colonel Boumediene exprima sa tristesse, De Gaulle pensait que la sérénité mettrait des lustres à s'installer entre nos deux pays.

Conscience des immobilismes d'un côté, saisie des opportunités de l'autre. Vous savez, disait-il, c'est l'évènement qui commande. Le gaullisme est historique mais il est aussi pragmatique.

-Le 12 novembre, l'évènement, ce sont ses funérailles.

En deux lieux. Celui, contrôlé par la famille, dans la simplicité, à Colombey avec les Compagnons de la Libération et la foule anonyme. Les chefs d'état et de gouvernement voudraient tous y s'y rendre. Le roi du Maroc fait observer que son père était Compagnon, le président malgache qu'il accompagnera un Compagnon. Rien à faire. Les gouvernants n'auront droit qu'à la messe à Notre Dame, sans catafalque, sans homélie, seulement la prière universelle où ils seront rappelés à leurs devoirs. 86 pays sur 127 membres de l'ONU seront représentés ; jamais Paris n'avait connu, ne connaîtra sans doute jamais, pareil rassemblement. Henri Guaino dit joliment que De Gaulle, c'est tout ce qui nous manque. Nous manque évidemment le respect dont nous avions la satisfaction d'être entourés ce jour-là.

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