

De l'époque d'après 1968, on ne semble retenir que le nom de Maurice Grimaud, le préfet de police qui a évité que les affrontements de mai ne tournent au massacre. Grimaud aurait réussi à installer une doctrine de désescalade, de non-contact. "Surtout éviter de porter atteinte à l'intégrité physique du manifestant !"
-Le ministère de l'Intérieur vient de publier son nouveau Schéma national du maintien de l'ordre qui doit tenir lieu de nouvelle doctrine. Une fois établi le bilan humain des manifestations des gilets jaunes, il avait été contraint de mener une concertation sur le sujet.
Il est frappant de voir combien la mémoire du maintien de l'ordre est criblée de trous.
Les syndicalistes policiers d'aujourd'hui qui donnent si souvent le "la" dans les médias s'étonnent par exemple de voir aujourd'hui leurs collègues durement conspués. Que n'auraient-ils dit quand ma génération criait à tue-tête "CRS SS !"
De l'époque d'après 1968, on ne semble retenir que le nom de Maurice Grimaud, le préfet de police qui a évité que les affrontements de mai ne tournent au massacre. Grimaud aurait réussi à installer une doctrine de désescalade, de non-contact. "Surtout éviter de porter atteinte à l'intégrité physique du manifestant !"
Une "Histoire des polices en France", 700 pages chez Belin, est parue récemment qui fait litière de bien des clichés.
Le préfet Grimaud n'a pas inspiré les pratiques des années 70 - le temps où le Quartier latin était occupé quasi militairement par les forces de l'ordre dont le ministre en titre, Marcellin, soignait l'ordinaire et renouvelait l'équipement : plus de cravates mais des boucliers transparent.
Ce n'est vraiment qu'en 1986 que la doctrine de Grimaud, s'imposa véritablement : la mort de l'étudiant Malik Oussekine poursuivi jusque sous un porche de la rue Monsieur-le-Prince par des agents d'une nouvelle unité motorisée avait provoqué l'émotion.
A rebours de cette époque, moins longue qui ne le croit, le Schéma 2020 autorise des unités spécialement constituées disposant d'un grand pouvoir de mobilité.
-La question du nouveau Schéma du maintien de l'ordre est justement : "Des violences dans les manifestations peuvent-elles être envisagées comme possibles? Ou bien est-tolérance zéro ?
En 2020, la doctrine, c'est tolérance zéro. "L'Histoire générale des polices en France" insiste sur les variations des sensibilités. Dans l'année 1945, les règlements de compte étaient innombrables, des quartiers entiers étaient livrés aux trafics du marché noir. Mais dans l'ivresse de la Libération et l'attente de la reconstruction, le Parti communiste qui savait que les petits étaient souvent les victimes premières des violences, était un peu seul à dire : "Défendez la propriété, fruit du travail et de l'épargne."
Il fut aussi bien seul à défendre les Algériens victimes de discrimination.
-Quand on veut parler de l'histoire contemporaine du maintien de l'ordre, le principal oubli; il est là : l'attitude de la police vis à vis des Algériens.
La lutte pour l'indépendance de l'Algérie ouvre un second front en métropole. La guerre fratricide au sein des indépendantistes entre FLN et partisans de Messali Hadj fait 4000 morts de ce côté-ci de la Méditerranée. Je me souviens, gamin, d'avoir vu une demi-douzaine de corps de messalistes alignés sur le trottoir d'une rue d'Epinay-sur Seine, tués par le FLN qui les avait accusés d'être liés à la police, ce qui n'était peut-être pas faux.
Répression de manifestations, noyades par balles, comme il y a des suicides dans le dos, bouclages, rafles. Et surtout, contrôles d'identité incessants suivis parfois de vérifications approfondies.
La France a été un état colonial qui a duré plus longtemps que de raison. Des résurgences en demeurent.
C'est bien pour cela que l'"Histoire générale des polices en France" conclut en disant qu'on ne peut laisser seules et face la police et telle ou telle partie de la population. Trop de souvenirs mal assimilés remontent à la surface, il faut, note-t-elle, des intermédiations. Le nouveau Schéma du maintien de l'ordre a ceci de bon qu'il recommande pendant les manifestations, même non autorisées, de ne jamais perdre le contact avec les organisateurs.
Ouvrage : Vincent Milliot (dir.), Emmanuel Blanchard, Vincent Denis et Arnaud-Dominique Houte Histoire des polices en France. Des guerres de religion à nos jours Belin
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