Madeleine Delbrêl, assistante sociale, mystique sociale

Madeleine Delbrêl écrivant
Madeleine Delbrêl écrivant ©AFP - Handout / Les Amis de Madeleine Delbrêl
Madeleine Delbrêl écrivant ©AFP - Handout / Les Amis de Madeleine Delbrêl
Madeleine Delbrêl écrivant ©AFP - Handout / Les Amis de Madeleine Delbrêl
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Madeleine Delbrêl était devenue assistante sociale au moment où ce métier prenait forme et exigeait des compétences qu'elle défendait, elle l'entendait néanmoins comme un travail ordinaire, au milieu de gens ordinaires, dans des rues ordinaires. Aussi était-elle allée s'installer au début des années 30 à Ivry.

-Journée Covid-Solidarité sur France Inter. Le 17 octobre, la Mission de France, congrégation catholique, et la municipalité, communiste, d'Ivry avaient inauguré la Maison Madeleine Delbrêl, du nom de cette femme, haute figure de la solidarité, qui y a reçu qui avait besoin d'aide. Dans une salle commune qui sentait bon le café.

"L'hospitalité, c'est que les autres soient chez eux chez nous". Madeleine Delbrêl, c'était une petite bonne femme avenante qui vous souriait en grillant une gauloise. Et, depuis sa mort en 1964 en ce 11, boulevard Raspail à Ivry, une mère nourricière pour qui aime ses livres.

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Sa famille, faite de tout, ignorait les conditionnements sociaux. Son amoureux avait filé chez les dominicains. Restée célibataire, elle avait gardé le goût de la danse qui vous rend légère et où votre partenaire vous emmène là où vous ne savez pas. Convertie au christianisme, elle s'était laissé porter par Dieu comme par un partenaire.

Elle était devenue assistante sociale. Au moment où ce métier prenait forme et exigeait des compétences qu'elle défendait, elle l'entendait néanmoins comme un travail ordinaire, au milieu de gens ordinaires, dans des rues ordinaires.

Aussi, avec un petit groupe de compagnes, était-elle allée s'installer au début des années trente en banlieue ouvrière, à Ivry.

"Entre la masse de ceux qui gagnent leur pain avec leurs mains et ceux qui la gagnent autrement, il y a, écrivait-elle, un mystère qui les distingue pour la vie." Elle voulait se tenir sur le front de ce mystère. Et y partager la souffrance qu'on y vivait. Quelle atteigne Jacques ou Jean, le docker ou le mineur, le noir le blanc ou l'asiatique, cette souffrance sociale est une violence subie, un asservissement.

-On voit que ce n'était pas précisément une dame d'œuvres.

Elle était contemporaine de ce qu'on appelait l'Action catholique qui se déployait dans différents milieux et par priorité dans le milieu ouvrier. Dans le vocabulaire de l'Action catholique, tout fonctionnait par trois. Voir, juger, agir. Pour elle, c'était Municipalité, Personne, Communauté. 

Municipalité ? Elle trouvait qu'il y avait de grands types dans le Parti communiste qu'elle ne voulait néanmoins pas rejoindre. La justice ne pouvait passer par la violence.

Personne ? Elle aimait Dieu comme une personne et aurait voulu aimer chaque personne comme Dieu.

Communauté ? Elle la voyait ouverte à chacun.

-Aujourd'hui, on ajouterait vulnérabilité.

C'est un mot qui pourrait faire partie de son vocabulaire. Comme il y a des quartiers de noblesse, il y a des quartiers de faiblesse qui méritent considération. La société elle-même est une grande faible. Je la cite : "Puisqu'elle est faible, il lui faut des serviteurs qui palpent de leurs mains, voient de leurs yeux, portent dans leurs cœurs". 

C'est le rôle qu'elle entendait tenir. Dans la pauvreté mais une pauvreté choisie, sans misérabilisme, avec beaucoup de fantaisie. Le 11, boulevard Raspail à Ivry, avec son jardin empli de roses, était tout sauf triste.

-Si présente soit sa mémoire pour certains, elle serait minoritaire dans le catholicisme d'aujourd'hui.

En effet. Ceux qui, dimanche, battaient le pavé, y tombant parfois à genoux, en réclamant : « La sainte messe! La sainte messe! » ne crient-ils pas trop fort pour entendre l'exemple donné à bas bruit par Madeleine Delbrêl. Ils disent que sans la messe, ils ne peuvent vivre. D'autres répondent que la privation de la messe motivée par le désir de sauver des vies, c'est un sacrifice, une communion plus grande encore que l'eucharistie.

Et puis, ajouterait-elle, "si ta voix est un clairon, ton frère risque de haïr ta musique".

Le site de La Maison de Madeleine Delbrêl à Ivry-sur-Seine