Il y a quelques jours à l’ambassade de France à Washington, cinq anciens vétérans américains qui ont participé au débarquement de Normandie, il y a 75 ans, ont été décorés de la Légion d’Honneur. Les commémorations du D-Day auront lieu jeudi prochain. Portrait croisé de trois de ces hommes : Donald, Floyd et Robert.
Ils avaient entre 18 et 26 ans quand ils ont débarqué sur ces plages de Normandie. À 97 ans, Donald Keller est encore capable de raconter avec une extrême précision son 6 juin 1944, quand avec la 76ème division d’infanterie des États-Unis, il débarque sur la plage d’Omaha Beach : "On a vu les échelles de corde de chaque côté du navire. C’est par là qu’il fallait descendre. Et il a fallu apprendre en un instant comment faire : attendre une vague assez haute pour sauter. Parce que certains ont sauté trop tôt. Et ils se sont cassé les jambes. Ce n’était pas beau à voir. Mais sur le coup, vous n’avez pas le temps d’avoir peur. La peur arrive après. Rétrospectivement." Quelques jours plus tard, Donald Keller est blessé à Saint-Lô (Manche). Puis blessé une seconde fois en décembre 1944 quand il est à nouveau déployé, cette fois dans les Ardennes.
"J’aurais préféré me faire tuer plutôt que d’être capturé"
Floyd Wigfield, lui, a aujourd’hui 101 ans. Il en avait 26 le D-Day quand avec la 4ème division d’infanterie, il débarque sur Utah Beach. Au contraire de Donald Keller, Wigfield se souvient très bien du sentiment de peur qui l’habite alors : "J’avais mon fusil à la main afin qu’il ne soit pas mouillé. Et dans l’autre main, un bâton de dynamite. Est-ce que j’avais peur ? Mais tout le monde était effrayé ! Bien sûr. On avait tous peur !"
Le plus jeune de ces trois hommes s’appelle Robert Fischman, âgé de 18 ans quand il débarque en Normandie depuis le navire USS Texas. Une image est à jamais gravée dans sa mémoire : "La seule chose que je voyais, c’était des cadavres. Dans l’eau. Flottant. Des corps de soldats américains. Partout. J’ai pu récupérer 35 blessés, et les ramener jusqu’à notre navire. Parce que, à bord du USS Texas, il y avait des chirurgiens qui pouvaient les opérer."
Au moment où ils débarquent sur ces plages de Normandie, ces hommes réalisent-ils qu’ils participent, au milieu de 160 000 autres soldats alliés, à la plus grande opération militaire de tous les temps ? Et savent-ils pourquoi ? "En vérité, je me fichais bien de savoir pourquoi", dit Fischman. "Vous ne vous posez même pas la question. Simplement, vous obéissez aux ordres" poursuit-il. Wigfield précise : "Moi, je savais très bien ce qu’Hitler avait fait, notamment à son pays. Et je m’étais bien dit que je ne me laisserais pas faire prisonnier. J’aurais préféré me faire tuer plutôt que d’être capturé."
De retour en Normandie pour la première fois
Floyd Wigfield, le plus âgé de ces trois vétérans, retournera en Normandie pour la première fois la semaine prochaine. Répondant à l’invitation de Donald Trump, le vieil homme volera avec le président des États-Unis à bord d’Air Force One. "C’est un grand honneur qu’il me fait" commente sobrement le centenaire au sourire quasi permanent. Mais il ajoute, avec malice : "Est-ce que les blockhaus sont encore là ? Je vais sans doute les voir sur place. Mais bon. J’espère que cette fois, sur cette plage, personne ne va essayer de me tirer dessus ! S’ils font cela, je partirai en courant !"
Au total, environ 73.000 américains ont participé à ce D-Day en Normandie. Difficile de dire combien sont encore vivants aujourd’hui. Quelques dizaines d’entre eux, seulement, iront en France pour le 6-Juin, assister aux commémorations de ce 75ème anniversaire.