

A l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, reportage à Ivry-sur-Seine dans la seule école qui se trouve à l’intérieur-même d’un centre d’hébergement d’urgence qui accueille 439 personnes.
Un établissement qui s’adresse à des enfants migrants dont les familles viennent d’arriver en France. Ils sont principalement Afghans, Soudanais, Irakiens… Certains ont déjà été scolarisés dans leurs pays mais d’autres n’ont jamais connu le milieu scolaire comme Shahan, 9 ans.
Sa famille afghane est arrivée il y a huit mois au centre (la durée moyenne est de deux mois). Shahan est l’un des meilleurs de sa classe : il commence à maîtriser le français, parle aussi quelques bribes d’italien, souvenir de son parcours migratoire, et rêve de devenir "professeur d’ordinateur".
Les 45 élèves actuellement scolarisés auraient pu aller en classe adaptée dans une école ordinaire puisque l’école est obligatoire en France. L’idée de cette école dans le centre, gérée par l’Education nationale, est de les prendre en charge le plus vite possible, sans attendre que des places se libèrent dans des écoles d’Ivry ou des communes alentours.

Ces enfants peuvent partir du jour au lendemain pour un centre de demandeurs d’asile ou faute de place dans un centre d’accueil et d’orientation. Au programme : leçon de français bien sûr, apprentissage des bases de l’école, le règlement, les horaires, etc…
Autre objectif : occuper des enfants traumatisés souvent par ce qu’ils ont vécu. C’est le but de l’atelier organisé par l’Unicef ce jour-là : dix enfants ont le champ libre pour prendre des photos dans le centre ou peindre un tableau. Une seule consigne : répondre à la question "quelle est votre école idéale ?" Les œuvres seront exposées en septembre.
Karen a dessiné de petits motifs géométriques et « surtout beaucoup de couleurs » glisse-t-elle satisfaite de son œuvre. Karen a 14 ans, elle est Copte d’Egypte, arrivée il y a cinq mois avec sa mère qui a été enlevée, violentée puis relâchée :
A six ans, j'ai été dans une école copte à Alexandrie. L'école que j'aime c'est ici, pas là-bas... En Egypte, les professeurs nous tapent. Si on ne fait pas nos devoirs ou si on se tient mal, ils nous frappent avec une grande règle.
Shoukayra, 18 ans, a fui les Talibans en Afghanistan. Elle a dessiné deux tableaux, très différents au cours de la semaine d’atelier :
Dans mon premier tableau, j'ai dessiné une femme en burqa, c'est l'histoire des femmes afghanes qui ne peuvent pas s'exprimer, qui souffrent et ne sont pas libres... Ensuite, j'ai peint une figure sans voile, sans bouche mais avec des yeux ouverts vers la vie. Sans bouche, c'est parce que je me sens encore coincée ici car je ne parle pas bien français.

Ces élèves surprennent leurs professeurs par leur capacité d’apprentissage. Selon Stéphane Paroux, le directeur, ils vont mettre six mois à un an pour apprendre les bases du français. Tout comme Bruno Morel, le directeur général d’Emmaüs Solidarité qui gère le centre, il s’interroge sur l’intérêt de dupliquer ailleurs cette école expérimentale. Une nécessité disent-ils sur le parcours migratoire des enfants, car l’école leur permet de s’occuper et de se structurer à leur arrivée en France mais il faut vite ensuite les orienter vers des écoles ordinaires pour mieux les intégrer.
L’école d’Ivry-sur-Seine ouverte en février 2017 achève sa première année scolaire complète. Il y aura encore quelques cours mais aussi une coupure car « ces enfants ont aussi besoin de vacances » disent leurs professeurs.

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