À Fresnes, la vie s'organise comme au sein d'une ville. Reportage dans la deuxième prison de France, avec Corinne Audouin.
A Fresnes, 2500 détenus évoluent dans les coursives, les ateliers, et les divisions de cette immense centre pénitentiaire, qui accueille les prévenus, les condamnés à de courtes peines, ou ceux qui sont en attente d’une place en centre de détention.
Fresnes, construite en 1898 au milieu des champs, est aujourd'hui invisible de l'extérieur. Au détour d'une rue pavillonnaire, on entre dans cet immense domaine qui abrite des logements de personnels de l'administration pénitentiaire.
Et le long de l'allée des Thuyas, s’alignent les bâtiments de détention. Le plus emblématique, c'est le grand quartier, la maison d'arrêt des hommes, avec 2300 détenus pour 1170 places. Un corridor divise les parties nord et sud de chaque division, qui compte chacune quatre étages. Et à chaque étage, côté nord et sud, un surveillant.
Il y a 120 détenus pour un agent, c’est beaucoup trop. Ce qui pose énormément problème par exemple, lors du mouvement des douches. Sans compter les mouvements école, ceux du sport, des activités. Fresnes, c’est une cocotte-minute, on a toujours l’impression d’être en speed (Sabrina Micely, gardienne au ‘grand quartier’ depuis 1 an).
Avec son millier de personnels, le ‘grand quartier’ fait l'effet d'une ruche. Ce qu'on ne voit pas, comme visiteur, c'est l'intérieur des cellules. Près de 1300 détenus cohabitent à 3 dans 9 mètres carrés.
‘Les cellules sont hautes de plafond, alors on mets trois lits superposés’ (Iliès Boukhari, responsable des affaires générales à Fresnes)
Une solution de fortune, qui crée beaucoup de tensions, et ne permet pas de respecter notamment la séparation entre prévenus et condamnés, fumeurs et non-fumeurs, etc.
L'augmentation de la population carcérale touche aussi les femmes.
Plus loin dans l'allée des Thuyas, la maison d'arrêt des femmes, un bâtiment six fois plus petit, héberge 120 femmes, pour 70 cellules. Il y a quatre ans, elles étaient 70 détenues. Beaucoup doivent donc cohabiter. Sybille, traitée de manière isolée pour un problème d’alcool, apprécie par exemple d’être seule en cellule depuis deux mois : une chambre à soi, c’est un début pour faire de la détention un temps utile. Les détenus aimeraient aussi avoir accès aux activités : sport, études, à la culture...
Mais il y a les listes d'attentes. C'est la litanie de Fresnes. Côté culture, il y a bien 50 ateliers artistiques par an. Au regard des 6000 détenus qui entrent et sortent de Fresnes chaque année, c’est peu, regrette le coordinateur culturel Romain Dutter, rattaché au Service pénitentiaire d’insertion et de probation : "Sur une division, 800 détenus, il y en a 150 qui sont intéressés, mais on en choisit une quinzaine au final".
La dure loi des listes d'attente
Ce qui manque le plus, notamment pour les "indigents", ceux qui n’ont pas du tout d’argent, c'est le travail. Dans la 2e division, il y a 341 personnes sur liste d'attente, pour 85 postes. Dans l'atelier où l'on fabrique des électrodes, des composants électriques, des rétroviseurs. Arthur vient de commencer sa formation. Il travaille entre 3 et 5 jours par semaine, pour une petite centaine d'euros par mois : "Le boulot me permet de trouver un équilibre, sortir un peu de ma cellule".
Sortir de sa cellule la journée, rentrer le soir pour y dormir, seul. C'est la prison à laquelle aspirent beaucoup de détenus. Mais très peu la vivent ainsi. Surpeuplée, Fresnes est aussi vétuste, envahie par l'humidité, les rats, les odeurs...Entre le bruit, et le vide des journées, certains, comme Jean-François, arrivent à s'élever, notamment par la lecture. "A plus de 60 ans, c’est le privilège de l’âge", rit-il :
Si on a rien a se mettre dans la tête, on ne fait que ressasser. On est dans la révolte, le déni de ce qu’on a fait. Les murs ne tiennent qu’un corps, pas notre esprit
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