La course aux stages est une épreuve parfois difficile pour les élèves de quartiers populaires. En cette fin d'année scolaire, c'est le rush, le stress aussi parfois, pour trouver une entreprise à qui faire signer une convention.
Qu'il s'agisse des stages de troisième ou des stages de lycée professionnel, comment éviter que ce moment ne soit celui de la reproduction des inégalités sociales ? Le défi est loin d'être évident.
Arrivé à Villiers-le-Bel dans le Val d'Oise il y a quelques mois, Pascal Troussier le nouveau principal du collège Léon Blum avoue avoir été surpris de voir aussi peu d'élèves de 3ème (seulement 2) faire leur stage d'observation hors de la ville. "C'est choquant de voir qu'ici les élèves ne sortent pas de leur quartier !".
Ici ils font leur stage dans leur école primaire, au supermarché, dans les commerces locaux, au kébab... C'est un peu triste parce qu'il y a peu de découverte.
Peu d'entreprises autour du collège
Le manque de réseau familial oblige les jeunes à se débrouiller tout seuls et le peu d'entreprises présentes autour du collège limite le champ des possibles, des imaginaires aussi. Résultat des stages souvent subis, comme pour Hélène et Youssouf.
Le problème est encore plus aigu en lycée professionnel. Trouver un stage de 5 semaines pourtant non rémunérées dans le secteur du bâtiment, mission quasi impossible pour Kylian en terminale au lycée Pierre Mendes France, situé à quelques centaines de mètres du collège.
J'ai passé des dizaines et des dizaines de coup de téléphone. On m'a raccroché au nez. J'ai essuyé des tonnes de refus. A la fin, ça devient insupportable. Je risque de ne pas valider mon année à cause de cette galère.
Face aux difficultés rencontrées par les élèves, le lycée de Kylian a fait appel à un dispositif associatif SOS Stages, coordonné par la Fédération des maisons des potes qui lutte contre les discriminations.
Des initiatives mais une ouverture encore trop faible
Dans certaines entreprises, la règle du "1 stagiaire pistonné - 1 stagiaire non pistonné" a fait son apparition. Le collège de Villiers-le-Bel, aidé par la préfecture, a réussi à organiser une visite groupée pour 20 élèves dans plusieurs grandes sociétés.
John, réparateur d'ordinateurs à Paris, ouvre grand ses portes aux jeunes les plus en galère. Sur son bureau une pile de conventions de stages.
Certains viennent du 93, du 94...il y en a même qui sont venus de Bretagne pour faire leur stage chez moi ! Quand j'étais jeune, j'ai moi même rencontré de grosses difficultés, alors j'essaie d'en prendre le plus possible, même si ça prend du temps de les accompagner et de leur former. C'est important pour eux.
L'enjeu est de taille, pour la sociologue Aude Kerivel, qui a dirigé pour l'Institut National de la Jeunesse et de l'Education Populaire deux ans de recherche sur les stages de 3ème dans 30 établissements scolaires, plus ou moins favorisés.
Contrairement aux élèves qui ont le réseau pour trouver les stages, les collégiens de réseau Education prioritaire doivent souvent se débrouiller tous seuls. Cela peut être violent parce qu'ils essuient parfois jusqu'à 30 refus. Se pose alors la question de leur "savoir être", alors que ce sont des enjeux qui ne se posent pas pour les autres collégiens. On peut faire l'hypothèse que ce sentiment d'échec qui intervient lors de cette toute première expérience du monde du travail va les marquer, et marquer peut-être leur trajectoire.
Il y a donc urgence à aller plus loin dans les réponses politiques, acquiesce Patrick Gille le proviseur du lycée de Villiers-le-bel.
C'est d'autant plus important que l'on voit monter une certaine défiance envers la société. La question des stages fait partie des éléments qui cristallisent parfois de l'incompréhension.
Une solution peut-être ? Des tuteurs de stages en entreprises qu'il faudrait beaucoup mieux valoriser - c'est ce que réclament certains - avec pourquoi pas une prime, ou une incitation fiscale pour les entreprises qui jouent le jeu de l'ouverture.
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