Le salon de l'auto de Detroit, qui se tient en ce moment, est un emblème, dans une ville berceau de l'industrie automobile. Cette année, c'est la reprise pour les constructeurs... Pour autant, Detroit, en faillite, est loin de reprendre des couleurs.
Grosses cylindrées et nouveaux modèles par dizaines…Le salon de l’auto de Detroit, aux Etats-Unis, du 13 au 26 janvier, consacre sans aucun doute la reprise de l’automobile américaine.
Après des années noires, et notamment la mise en faillite en 2009 de Chrysler et General Motors, l’auto retrouve ses niveaux d’avant-crise avec 16 millions d’unités vendues l’an dernier soit une hausse de près de 8%. Le président du salon, Bob Shuman, se souvient.
En 2009, certains constructeurs ne venaient plus. Mais ils sont tous revenus et veulent tous exposer plus de voitures, plus d’écrans télés…On estime que ce salon rapporte à l’économie locale 365 millions de dollars par an (274 millions d’euros, NDLR).
Le salon de Detroit est donc emblématique, d’autant qu’il se tient dans une ville berceau de l’auto américaine et de ses "big three" (Ford, Chrysler, GM). Pour autant cette reprise est loin de pouvoir éponger la dette de Detroit. La ville est en faillite depuis le mois dernier avec un trou financier de l’équivalent de 13 milliards et demi d’euros.
Fuite de la population, friches industrielles
La rançon de plusieurs années de mauvaise gestion et d’une désindustrialisation massive, notamment dans le domaine de l’automobile : Detroit serait passé de 300 000 emplois manufacturiers dans les années 60, à 25 000 aujourd’hui, soit 12 fois moins. La population elle, a été divisée par plus de deux, passant de 2 millions d’habitants dans les années 50 à 700 000 aujourd’hui. Conséquence : des recettes fiscales qui manquent cruellement à la municipalité, et une ville par endroits quasi-fantôme.
A un quart d’heure en voiture du Cobo center, qui héberge le salon de l’auto, on trouve la plus grande friche industrielle du monde. 325 000 m2 de murs qui tombent en miette, de gravats, de flaques, et de barres de métal tordues. Jesse Welter, photographe, donne depuis 2011 des visites guidées de ces lieux abandonnés.
C’est une ancienne usine automobile Packard. Ils ont construit des voitures de luxe ici jusque dans les années 60. Maintenant c’est vide et ça ressemble à une ville abandonnée. C’est aussi devenu un terrain de jeu pour les artistes, avec des graffitis et des installations.
Jesse Welter fréquente, dit-il, une centaine de bâtiments de ce genre, avec l’accord plus ou moins tacite de la police, par ailleurs pas assez dotée pour surveiller les lieux 24/24 heures. Le photographe estime à 78 000 les bâtiments abandonnés à Detroit.
Nous on habite dans nos belles banlieues. Quand on vient ici et qu’on voit ça, qu’on voit dans quoi les gens habitent, aussi, on est un peu submergé.
A terme, Jesse aimerait ouvrir sa propre galerie dans un de ces bâtiments vides. Des bâtiments vides ou qui menacent de l’être il y en a aussi "Downtown" dans le centre ville. Peu de commerces, d’animation, de piétons…La consommation n’est pas au beau fixe, d’autant que les salariés du public, pompiers et policiers s’inquiètent pour leurs pensions. Elles pourraient être gelées, diminuées, car elles représentent 2 milliards et demi d’euros sur l’ensemble de la dette.
"40% de mon activité vient des salariés du public", s’inquiète Hector Philips, manager de Steve’s soul food. Ce patron fort en gueule s’agite dans son tablier blanc pour servir la nombreuse clientèle de son burger-dancing.
Je crois qu’on a fait toutes les coupes sombres qu’on pouvait pour la ville. Je ne veux pas choquer les amateurs d’arts, mais ce serait peut-être mieux de vendre comme l’envisage la ville certaines œuvres du Detroit Arts Institute. Et il faut aller voir le Gouverneur, le Président. On ne peut pas continuer comme ça.
Le reportage de Marion L'Hour sur le Detroit Arts Institute
E musée de Detroit
1 min
La mère d’Hector a ouvert son premier restaurant à Detroit en 1986. Depuis il est quasi le seul à servir à manger à plusieurs blocs alentour. Tout n’est pas si sombre cependant à Detroit, et la ville commence à se reprendre en main, l’activité à frémir.
Il y a notamment le Motor city mapping project, un programme à 225 millions d’euros. Plusieurs centaines de salariés payés pour arpenter les rues, tablettes et GPS à la main. Ils recensent les bâtiments vides pour réhabilitation ou destruction. "C’est important aussi, pour la sécurité, note Ciara, l’une des membres du projet. Ici l’insécurité et très élevée. Et personne n’a envie de se faire entraîner dans ces bâtiments vides."
Le recensement doit s’achever entre la fin février et la mi-mars. Au conseil de surveillance de ce projet, on trouve Dan Gilbert, milliardaire originaire de Detroit, qui a déjà dépensé 1,3 milliard pour racheter et redynamiser la cité. Il possède déjà un quart du centre ville.
Par ailleurs l’un des constructeurs du cru, Chrysler, investit, et vient de créer 1100 emplois dans son usine, la seule encore présente en centre ville. "Nous sommes en train de relancer quelque chose d’important, le Made in Detroit", insiste Gualberto Ranieri, porte-parole du constructeur. Le Made in Detroit, comme slogan, utilisé l’an dernier pour une publicité, mettant en scène le chanteur Eminem.
La vidéo de la pub Chrysler
Gualberto Ranieri, qui désigne aussi la montre qu’il porte au poignet : "le Made in Detroit, c’est porteur !" C’est une Shinola. Toute nouvelle marque de montres de luxe, fabriquée sur place, et présente chez les revendeurs les plus chic du monde – Bloomingdales à New York, Colette, en France…Dans la ville l’économie recommence donc doucement à frémir. Au chapitre financier, un plan de réorganisation doit être présenté avant le 1er mars.
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