En Russie, 100 ans après la révolution, que reste-t-il du communisme ?

100 ans après que reste-t-il du communisme ?
100 ans après que reste-t-il du communisme ? ©AFP - DPA/ZB/Jens KALAENE /
100 ans après que reste-t-il du communisme ? ©AFP - DPA/ZB/Jens KALAENE /
100 ans après que reste-t-il du communisme ? ©AFP - DPA/ZB/Jens KALAENE /
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Il y a 100 ans, démarrait en Russie la Révolution d’octobre qui amènera au pouvoir Lénine, puis Staline notamment. Un siècle plus tard, l’événement est fêté sans éclat.

Une discrétion due aux sept décennies de pouvoir communiste qui ont suivi, qui font remonter en surface trop de souvenirs douloureux, encore très difficiles à gérer, que ce soit pour le pouvoir actuel de Vladimir Poutine ou pour la population dans sa grande majorité.

Claude Bruillot est allé à la rencontre des Russes de la rue pour savoir comment ils vivent cette période de commémorations, et ce qui leur reste finalement de cette époque.

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Julia, 37 ans, visite pour la première fois le mausolée de Lénine Claude Bruillot
Julia, 37 ans, visite pour la première fois le mausolée de Lénine Claude Bruillot
© Radio France - Claude Bruillot

Au milieu des vendeurs à la sauvette qui donnent de la voix sur la Place Rouge, Julia, enseignante moscovite de 37 ans, s’est décidée ce matin d’octobre à visiter pour la première fois de sa vie, le mausolée de Lénine.

Après le passage aux portiques de sécurité, il faut descendre en silence une vingtaine de marches, une lumière jaunâtre éclaire le corps sous verre et le visage blanchi de Lénine, il y a un garde tous les trois mètres, interdiction de faire des photos ou de toucher le marbre gris. 

La visite a duré à peine cinq minutes et laissé Julia sur sa faim "C'est une visite intéressant car c’est la première fois de ma vie mais il n'y a pas émotion car c’est une momie, c’est comme une figure de cire. Beaucoup pensent qu'il faut l'enterrer le corps de Lénine, que c’est une horreur qu'un cadavre se trouve encore dans le centre de Moscou mais tant qu'il y aura des communistes Lénine ne sera pas enterré".

Sur le chemin du retour, Julia raconte sa première visite du mausolée de Lénine à son père, Andrei, 65 ans, retraité. Lui, l’a vu dès l’âge de quatre ans, à l’époque de Kroutchev, puis une dizaine de fois lorsqu’il encadrait les jeunes pionniers du régime.

30 ans plus tard, Andrei dit à sa fille Julia, qu’il n’a jamais éprouvé la moindre nostalgie pour l’URSS, et encore moins pour les dirigeants communistes : "Il ne faut plus de communistes car ils ont été une très dure leçon pour notre pays. Le communisme c’est une utopie et une histoire mauvaise."

Cette absence de nostalgie du communisme concerne aujourd’hui les Russes dans leur grande majorité, pourtant, le parti communiste aujourd’hui encore, joue un rôle en Russie, notamment à l’occasion du centenaire de la révolution d’octobre. 

Nikolai Karitonov, député à la Douma et gardien du temple
Nikolai Karitonov, député à la Douma et gardien du temple
© Radio France - Claude Bruillot

À l’image de Nicolaï Mihaïlovitch, 70 ans, ancien numéro 2 du parti, député depuis 27 ans, et qui reçoit dans son bureau à la Douma, à côté d’une statue de Djerzinski, le fondateur de la Tcheka, l’ancêtre du KGB et du FSB, et près d’une photo de Staline, les communistes actuels défendent l’héritage du passé, coûte que coûte.

"C’était à l’époque où l’on célébrait les 50 ans de la Grande Révolution. Dans mon village, il y avait un vieux avec une grande barbe jusqu’aux genoux qui avait participé à la Révolution de 1917. Il m’a dit : 'Mon petit, beaucoup vont te dire que la Russie a changé après la Révolution, mais ne croît jamais ça. Après la Révolution, la Russie est restée la Russie mais sans les bourgeois, et voilà pourquoi on a réussi à briser les reins de ces animaux de fascistes'. Il est mort il y a longtemps, c’étaient ses mots". 

Vladimir Poutine rappelle régulièrement que les révolutions passées ou présentes n’apportent que le chaos.

Il n’a bien sûr pas empêché les communistes russes d’organiser leurs propres cérémonies dans le pays, mais il ne veut surtout rien de glorifiant pour ce centenaire. Comme l’explique Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou, c’est la stratégie de l’évitement : "Poutine est un patriote Russe, certains diraient un nationaliste russe et il n'oublie pas les millions de morts résultats de la révolution et de ses conséquences : famines, collectivisation et seconde guerre mondiale. Il y a une relation ambivalente, les gens ne sont pas aux clairs avec leur passé. Les gens ne voulaient pas savoir ce qui s'était passé en 36 ou 37 car il était dangereux de savoir ce qui s'était passé."

Et il y a un dicton russe  qui date du communisme, et qui, quelque part, reste d’actualité aujourd’hui encore,  pour résumer ce lien difficile avec l’époque soviétique : "moins tu en sais, mieux tu dors".