Au Royaume-Uni, trois ans après avoir voté pour le Brexit, les Britanniques s’apprêtent à voter pour élire des candidats aux européennes. Les candidats sont un peu déboussolés : les conservateurs, comme les travaillistes, sont plus divisés que jamais.
Au milieu des HLM du nord de Londres, les militants travaillistes arpentent les rues, avec à la main, la liste des adresses des sympathisants de gauche. La majeure partie des portes leur claquent au nez. Lors qu’enfin elles s’ouvrent, Liz se présente : "Bonjour, je suis membre du parti travailliste depuis le début des années 80…."
Mais elle n’a pas vraiment le temps de continuer. La locataire, 50 ans, l’interrompt immédiatement : "Toute ma vie, j’ai voté pour les travaillistes", dit-elle. :
"Mais je suis écoeurée par l’ensemble des partis ! Vous êtes là, devant ma porte : pour moi, c’est une blague !! J’en ai tell-le-ment marre, de tout ça !"
"-Oui , mais le truc, c’est qu’il va y avoir des élections européennes ", reprend Liz. "Et on a pas envie de se réveiller le 24 au matin, avec une victoire de l’extrême-droite".
-Ok, extrême droite, c’est vous qui le dites, mais il nous faut bien quelqu’un qui aille au parlement européen, et qui dise ce que nous voulons pour notre pays", réplique la locataire. "Il faut qu’on aie une voix ! Et mon instinct me dit 'il nous faut quelqu’un', alors pourquoi pas Nigel Farage ?"
Car Nigel Farage, l’ancien dirigeant d’extrême droite, eurosceptique, qui avait déjà raflé en 2014 24 sièges au parlement européen, est de retour, avec un nouveau parti, deux meetings par jour, et des sondages qui le créditent de près de 35 % d’intentions de vote. Il promet un séisme politique, réclame une sortie immédiate de l’Union européenne et surfe sur le raz-le-bol des britanniques.
Du coup, face au risque de faire un score minuscule, et pour éviter la catastrophe, les candidats travaillistes prennent le contre-pied : pour gagner les voix des europhiles, ils se présentent comme les hommes capables d’arrêter le Brexit, et -alors que Jeremy Corbyn, le chef de file de la gauche, refuse de prendre position-, ils militent ouvertement, comme Seb Dance, pour un second référendum.
"On le dit très clairement : à Londres, tous les candidats travaillistes aux européennes sont pro-européens. On ne soutient pas l’approche du gouvernement sur le Brexit. On fait campagne le soir et le week-end. Je ferai tout ce que je peux, pour éviter la sortie de l’union européenne. C’est difficile. Mais bon. On verra bien ce qui se passe".
"Chez les conservateurs, le numéro un est pour le Brexit, le numéro deux est contre"
Et c’est encore moins simple pour les candidats conservateurs. Le parti de la majorité s’attend à une défaite, et officiellement, n’organise pas de campagne électorale. Du coup, c’est en participant à des tables rondes, des débats dans les lycées, que Charles Taylor espère convaincre les jeunes de voter pour lui. Numéro 2 sur la liste des conservateurs, il est contre le Brexit, alors que le numéro 1 est pour. Situation absurde et intenable :
"Oui, oui, il y a des tensions ! C’ était prévu que moi, je ne sois plus candidat, et c’est un peu surréaliste tout ce processus étrange : il n’y a pas assez de temps pour faire campagne, comme on le faisait dans le passé, et malheureusement les sondages sont pas très favorables, je suis membre du parti depuis 30 ans... J’étais très triste après le résultat du référendum. Je reste dans le parti, mais c’est difficile pour moi. Tous les partis sont divisés".
Et ces divisions, profitent, là encore, au Brexit Party de Nigel Farage. Sans aucun programme, il risque de faire exploser le paysage politique britannique, explique Ian Begg, professeur à la London School of Economics : "Le point de vue de Nigel Farage est très clair : il exige le Brexit. Beaucoup de conservateurs aussi, exigent le Brexit. Mais la position de Theresa May et des chefs du gouvernement est très difficile à comprendre. Et du coup, c’est Nigel Farage qui va en profiter. On sait que les conservateurs vont perdre, de manière très forte".
Reste une carte, entre les mains des conservateurs, pour changer la donne : la démission de Theresa May. La Première ministre s’est engagée à quitter le pouvoir, et à donner un calendrier de départ autour de la première semaine de juin.
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