À quelques jours de la visite pontificale en Irak, les chrétiens pansent toujours leurs plaies. À Mossoul, occupée par les djihadistes de 2014 à 2017, leur patrimoine a été détruit et la communauté s’est réduite comme peau de chagrin. Mais l'heure est à la reconstruction et, peut-être un jour, au retour.
Trois ans après la fin de la guerre contre les djihadistes à Mossoul, les stigmates du groupe État islamique sont toujours visibles à l'intérieur de Notre Dame de l'Heure.
Dans l'une des salles du couvent, deux drapeaux noirs du groupe terroriste, flanqués du sceau du prophète, recouvrent les murs. Impossible d'enlever ces bannières sans abimer la paroi. Il faut passer devant, en attendant qu'une solution soit trouvée.
Le Frère Olivier Poquillon, qui habitait ici bien avant l'arrivée de Daesh, est le maître de ces lieux. Le prêtre dominicain est revenu en 2019. Il supervise aujourd'hui les travaux de reconstruction.
Le couvent n'a pas été totalement détruit, mais il a été très endommagé. Pendant l'occupation, les mouvements qui étaient ici l'ont utilisé comme tribunal et centre de formation, ce qui l'a paradoxalement préservé.
Une page de l'histoire, que quelques ouvriers s'emploient aujourd'hui à faire disparaître. Employés par l'Unesco, ils ont pour mission de remettre sur pieds une bonne partie du cœur historique de Mossoul, dont deux églises.
Un exode massif
Une quinzaine d'entre eux déblaient les gravats, tandis qu'un démineur manie un détecteur de métaux dans le jardin adjacent, en tenue protectrice, une visière en travers du visage.
"De nombreux restes de guerre ont été retrouvés ici", affirme Amar Sinan al-Qaisi, responsable de l'équipe de déminage. Portable à la main, il décrit les objets retrouvé dans la maison de prière : "Des ceintures explosives, des fusils, des grenades..."
En même temps qu'on enlève ces gravats, on isole aussi les pièces historiques. Elles seront sûrement utilisées plus tard dans le processus de reconstruction de ce site.
Un peu plus loin, le gardien du site regarde l'avancée des travaux, le regard rempli d'émotion. Sabah Aziz Ibrahim, la cinquantaine, fait partie des quelques dizaines de chrétiens qui restent aujourd'hui à Mossoul. Avant 2003, ils étaient… 45 000.
J'ai tellement de souvenirs dans ces quartiers-là. Je suis originaire d’ici, ma maison était juste derrière cette église... Vous savez, les chrétiens ne veulent pas revenir parce qu'ils ont peur. Ils ont peur d'un retour de Daesh. Mais si Dieu le veut, la paix va se stabiliser ici, et ils reviendront.
À l'arrivée des islamistes, ce Mossouliote a fui vers le Kurdistan irakien. Il est revenu ici à la libération, mais peu d'autres chrétiens font ce choix. Il espère que la visite du pape poussera cette communauté au retour.
Je suis vraiment heureux, en tant que chrétien, de la visite du pape. C'est un homme si important pour nous. J'aimerais lui transmettre de bonnes nouvelles, lui dire que la sécurité est là, et que ce qui s'est passé ici ne se reproduira pas.
Cette visite de trois jours peut-elle panser les plaies de cette communauté persécutée pendant des années ? Elle redonne en tout cas un peu d'espoir, à l'heure où l'exode des chrétiens se poursuit.
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