L’Allemagne et les réfugiés, un an après

En octobre 2015, des migrants arrivés d'Autriche devant un bureau d'enregistrement à Berlin.
En octobre 2015, des migrants arrivés d'Autriche devant un bureau d'enregistrement à Berlin. ©Reuters - Fabrizio Bensch /Reuters
En octobre 2015, des migrants arrivés d'Autriche devant un bureau d'enregistrement à Berlin. ©Reuters - Fabrizio Bensch /Reuters
En octobre 2015, des migrants arrivés d'Autriche devant un bureau d'enregistrement à Berlin. ©Reuters - Fabrizio Bensch /Reuters
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Il y a un an, 20.000 migrants franchissaient la frontière allemande en une seule journée, au plus fort de la crise migratoire. Où en est l’Allemagne désormais ? Reportage à Berlin.

C’était il y a un an jour pour jour : 20 000 migrants venus de Hongrie et d’Autriche franchissaient la frontière allemande en une seule journée, au plus fort de la crise migratoire. Un an plus tard où en est l’Allemagne ? La population est-elle toujours favorable à la politique d’accueil d’Angela Merkel ?

Berlin accueille 5% des demandeurs d'asile en Allemagne

A Berlin, 60.000 réfugiés sont pris en charge depuis l’an dernier. La capitale accueille à elle seule 5% des demandeurs d’asile en Allemagne. En septembre il y a un an, les services sociaux étaient submergés : des files d’attente monstre aux administrations, des camps de fortune dans les casernes et les gymnases. Tout cela a disparu ou presque, même si les foyers sont encore pleins. Mais l’urgence est passée, constate Andreas Germershausen, agent du Sénat de Berlin, chargé de l’intégration :

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"Le défi reste colossal, mais je crois que beaucoup de choses se sont améliorées en l’espace d’une année. Sur le plan administratif, nous avons enfin la situation bien en main : l’enregistrement des réfugiés n’est plus un problème, les demandes d’asile sont traitées, et nous avons mis en place une série de dispositifs qui doivent permettre l’intégration des réfugiés : que ce soit en développant l’apprentissage systématique de l’allemand, ou en facilitant l’accès au marché du travail, avec des formations en alternance ".

"La culture de l'accueil n'est pas morte"

Les associations d’aide aux migrants ne font pas tout à fait le même constat... A les entendre, la situation reste très difficile dans les centres d’accueil. Mais l’engagement des bénévoles a permis de relever le défi. Il y a un an, les Allemands se pressaient sur les quais de gare pour dire "Bienvenue aux réfugiés". Un an plus tard, ils sont moins nombreux, moins visibles, mais toujours là, selon Christian Thomes, de l’organisation chrétienne Caritas.

"La culture d’accueil n’est pas morte, elle est bien vivante, au quotidien, dans les paroisses et les foyers d’hébergement. Alors bien sûr, nous n’assuront plus un service 24h sur 24, mais la situation a changé. Les réfugiés ont un toit pour dormir et une prise en charge médicale, tout cela n’était pas acquis il y a un. Donc forcément, l’engagement bénévole n’est plus le même. Mais nous voyons encore continuellement arriver des gens qui ne s’étaient pas engagés jusqu’ici et qui souhaitent participer".

Les bénévoles sont toujours là, mais  un an plus tard, l’euphorie des premières semaines a fait place au doute et à l’inquiétude… L’intégration des réfugiés est devenue le sujet de préoccupation n°1. Les agressions de Cologne la nuit du Nouvel An ont marqué un profond tournant. Diana Henniges côtoie chaque jour des réfugiés, elle est membre de l’association de quartier Moabit Hilft.

"Le climat a changé, c’est évident, le regard des gens n’est plus le même. Depuis Cologne, l’image des réfugiés s’est dégradée : on les associe plus facilement à la violence et à la criminalité. Auparavant, si par exemple un réfugié à vélo roulait à contresens, on lui disait « est-ce que vous pouvez descendre de vélo ? » Aujourd’hui on va le traiter de « sale migrant ». Les gens ont peur d’adresser la parole aux réfugiés. Il faut dire que la parole politique s’est considérablement durcie. Et le racisme s’exprime de façon plus ouverte dans la population".

Pour preuve, les attaques et agressions xénophobes sont devenues quotidiennes en Allemagne. Plus d’un millier de délits enregistrés pour les 6 premiers mois de l’année.

Montée de l'extrême-droite

Le mécontentement d’une partie des Allemands se traduit par la montée de l’extrême-droite. Depuis un an, les populistes de l’AfD grignotent du terrain à chaque élection locale, avec un programme tout entier axé sur le rejet de la politique d’accueil d’Angela Merkel. Alexander Gauland est l’un des leaders de l’AfD. "Les gens perçoivent cette politique comme une menace pour leur patrie, pour leur statut social, pour leur identité… Et pourtant, tous les partis politiques sont d’accord pour soutenir la Chancelière et son slogan « Wir schaffen das ». L’AfD est le seul parti qui ose dire : nous ne voulons pas que l’Allemagne y arrive, parce que nous ne voulons pas d’un tel changement pour notre pays. Et donc, il est logique que tous ceux qui n’en veulent pas non plus votent pour nous !"

Malgré cette nouvelle menace sur sa droite, Angela Merkel assume sa politique et continue de marteler "Wir Schaffen Das" ("Nous y allons y arriver"). Mais en réalité, la Chancelière, fragilisée, critiquée dans son camp, a dû donner des gages aux conservateurs et accepter un virage à droite. Durcissement des lois, sélection plus stricte des demandeurs d’asile, accélération des expulsions. Un an après, l’accueil des réfugiés à bras ouverts n’est plus à l’ordre du jour...

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