L'hôpital psychiatrique en crise

L'hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, en Seine-Saint-Denis
L'hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, en Seine-Saint-Denis ©Maxppp - A. Martin
L'hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, en Seine-Saint-Denis ©Maxppp - A. Martin
L'hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, en Seine-Saint-Denis ©Maxppp - A. Martin
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Si des milliers de médecins de l'hôpital général démissionnent actuellement de leurs fonctions administratives, l'hôpital psychiatrique n'est pas non plus épargné par la crise. Médecins et infirmiers dénoncent des pratiques où le soin est de moins en moins humain.

C'est sur plusieurs hectares que s'étend l'hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, en Seine-Saint-Denis, avec ses multiples pavillons, ses allées interminables. L'établissement est censé répondre aux besoins d'une population socialement fragile, mais les patients subissent de plein fouet le manque de lits et de personnel. 

"Quand un patient arrive aux urgences, il est possible que l'on ne puisse pas l'adresser à son lieu d'hospitalisation", explique Marie-Christine Beaucousin, psychiatre. "Il doit donc patienter parfois 24 ou 48 heures et, en fonction de son état psychique, il peut être amené à être ligoté sur un brancard en attente d'une place pendant deux jours, jusqu'à ce que, le lundi matin, on arrive à trouver un lit où l'affecter. 

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"À défaut de personnel, on est obligé d'avoir recours à la chimie ou l'isolement. On perd notre humanité dans le lien très particulier qui existe avec un malade souffrant de troubles mentaux"

La chambre d'isolement : un lit scellé, et des toilettes, pas de point d'eau. Alors qu'elle devrait être le dernier recours, son utilisation se banalise. 

Crise de vocations

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Ici, les malades doivent être transférés en cours d'année vers un bâtiment neuf. Mais y aura-t-il assez de personnel pour s'en occuper ? "Ça n'attire plus d'être infirmier, et encore moins en psychiatrie", s'inquiète Déborah, elle-même infirmière : "Ce qu'on pouvait aimer dans notre métier, c'est à dire être auprès du patient, dans le relationnel, on nous l'a enlevé. Nos jeunes collègues ne veulent plus travailler en psychiatrie : on est mal payé, on fait des heures supplémentaires par conscience professionnelle, et on n'a rien derrière"

Une autre poursuit : "Je suis cadre supérieure de santé. Quand j'ai commencé, on était sept infirmières, il y avait beaucoup moins de violence". Aujourd'hui, ils sont deux infirmiers et un aide-soignant pour 25 patients en moyenne. 

"Entre des moyens en diminution et une explosion démographique comme la Seine-Saint-Denis peut en rencontrer, on suffoque un peu" confie à son tour le chef de service, Frédéric Slama : "La question 'jusqu'à quand ?', je me la pose régulièrement".

La salle de réfectoire.
La salle de réfectoire.
© Radio France - Danielle Messager

Dans les couloirs, on croise un patient en pyjama, désœuvré. Il ne devrait plus être là, mais il n'y a pas de place dans une structure en ville pour le recevoir. Les nouveaux soignants ont à peine le temps d'apprendre leur métier. "Dès qu'on arrive dans un service, on est directement en action... L'équipe fait au mieux pour nous encadrer", témoigne Aurélien, aide-soignant et jeune diplômé. 

Des listes d'attente "énormes"

Même situation en pédopsychiatrie, essentielle pour éviter que des enfants fragiles ne basculent dans une maladie chronique. Le Dr Noël Pommepuy a beau bénéficier d'un service flambant neuf, ça ne suffit pas :"Le quotidien, c'est des listes d'attente qui sont énormes. Quand il y a un système de priorisation, c'est trois mois pour avoir une évaluation. Quand il n'y en a pas, c'est un an et demi"

Il constate la disparition de certaines professions. "Les pédopsychiatres sont en train de disparaître, les orthophonistes aussi. Elles ne sont pas assez payées dans le service public. Dans mon service, il y a environ dix ans, il y en avait entre 15 et 20. Aujourd'hui, il n'y en a plus que 5", déplore le médecin : "Il y a un ensemble de facteurs qui fait qu'on a des situations beaucoup plus fragilisées, donc beaucoup plus complexes à prendre en charge, c'est pas possible, ça ne marchera pas pour soigner les gens".

Malgré 12 rapports en 10 ans et , selon le gouvernement, 100 millions d'euros octroyés l'an dernier, les patients et les soignants souffrent toujours. 

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