Pour eux, la reconnaissance de la ville comme capitale d'Israël par Donal Trump vient éloigner encore tout espoir de récupérer la souveraineté sur leur territoire, et entérine, en quelque sorte, la stratégie de soutien à la colonisation menée par le premier ministre Benyamin Netanyahou.
Le long des murailles de la vieille ville, à quelques mètres à peine de la mosquée d’Al Aqsa, en face du mont des Oliviers, s’étend le quartier palestinien de Silwan. Des maisons empilées le long de ruelles en pente… C’est là que vit Wedad, dans une belle maison de pierre dorée, décorée de pères Noël. Sur sa terrasse, des citronniers, du jasmin. Wedad a 82 ans. Elle vit ici depuis plus de 50 ans. Et se souvient de cette nuit de 1991, lorsque pour la première fois, les colons sont arrivés…
"Mes enfants étaient petits, ils dormaient… J’ai entendu quelque chose dans la nuit, qu’on plantait quelque chose dans le sol, des pieux métalliques, pour former une clôture… Alors je suis sortie, je leur ai dit 'qu’est-ce que vous faites, ce n’est pas à vous, c’est une propriété privée ici !' Depuis plein de gens sont venus et nous ont proposé beaucoup d’argent pour quitter la maison… Je leur ai toujours dit non, nous sommes nés ici, nous vivons ici, nous ne vendrons jamais… Nous ne sommes plus que trois dans ce coin, moi, Zidane et Tawil, c’est tout… Le reste, ce ne sont que des juifs…"
En contrebas de la maison de Wedad, il y a un petit passage bordé de barbelés et fermé par un tourniquet, avec des caméras de vidéosurveillance. Des écoliers, kippa sur la tête, y sautillent, leur goûter à la main. C’est l’accès à la maison voisine, rachetée par des colons. Pas une rue désormais sans ces grillages, ces drapeaux israéliens, qui marquent les maisons des colons, toujours plus nombreuses, et qui grignotent, peu à peu, la Silwan palestinienne.
"La seule chose que le monde arabe comprenne, c'est la force"
Il y a plus de 200.000 colons juifs à Jérusalem-Est, dont plusieurs centaines à Silwan. Des associations les aident à financer l’achat des maisons, quand ces maisons-là ne sont pas déjà détruites ou saisies à la moindre irrégularité. Tout est fait pour décourager les Palestiniens de vivre dans ce quartier, qui ressemble à un bidonville, où les ordures ne sont pas ramassées. Qu’ils oublient en revanche de payer leurs impôts locaux, et ils seraient expropriés. Les habitants de Silwan, qui vivent sous occupation, ne dépendent pas de l’autorité palestinienne. La municipalité de Jérusalem, elle, n’assure même pas les services minimum. Entre les amendes, les poursuites judiciaires, les tracasseries administratives, la population palestinienne de Siwan est peu à peu incitée à partir. On force la main aux plus endettés, acculés à vendre. Daniel Luera est le porte-parole d’Ateret Cohanim, une association de colons religieux et ultra-nationalistes, dont le but est d’aider à l’expansion des colonies à Jérusalem-Est. Pour lui, pas question de rendre aux Palestiniens leur terre.
"La terre en échange de la paix, ça ne marche pas… La seule chose que le monde arabe comprenne, c’est la force, et la force de conviction. Nous, on n’est pas comme eux 21 pays. On n’a pas de pouvoir, pas de terres, pas de pétrole, on n’a juste qu’un petit état juif que Dieu nous a donné, qu’une seule Jérusalem, c’est tout ce qu’on veut. Alors foutez nous la paix ! Et quand je pense à l’Unesco, ce machin arrogant qui ose dire que moi, je n’ai pas de lien avec Jérusalem ? Merde ! Ils se prennent pour qui ? Mon lien avec Jérusalem, il a plus de 3.800 ans ! Les arabes n’ont jamais eu leur capitale ici, jamais eu un pays, jamais…"
L'archéologie, "une arme très puissante"
Les colons israéliens ne s’implantent pas à Silwan par hasard. Il suffit de quitter la maison de Wedad, et faire quelques mètres pour comprendre. Dans la terre creusée apparaissent des morceaux de briques, des bouts de murs… Ces fouilles archéologiques seraient les ruines de la capitale du roi David… Là où tout a commencé, peut-on lire sur les panneaux pour les touristes. Un lieu symbolique pour les juifs messianiques. Jonathan Mizrachi est archéologue, il fait partie d’Emek Shaveh, une ONG qui travaille sur le rôle joué par l’archéologie dans le conflit israélo-palestinien. Pour lui, la cité de David est l’exemple même de l’utilisation de l’archéologie à des fins politiques.
"Si vous faites la visite guidée, qui explore l’histoire de l’antique Jérusalem… La façon dont on vous raconte les choses, le parcours que vous suivez… Vous ne pouvez pas deviner que vous êtes à Silwan, un village palestinien… Vous pensez être juste sur un site archéologique, celui de la cité de David. C’est comme s’ils avaient réussi à effacer le village, alors qu’il existe pourtant bel et bien. C’est pourquoi c’est une arme très puissante. Ce n’est pas seulement Israël qui détruit ou qui exproprie des palestiniens, c’est Israël qui change la nature, l’identité même de cet endroit, et qui dit que son identité est plus importante que celle des autres."
À Silwan, les tensions sont fortes… Les autorités israéliennes financent la sécurité des colons, les patrouilles, les équipements. Mais entre eux et les Palestiniens, les violences se multiplient et beaucoup craignent ici la prochaine étincelle, persuadés que Silwan, demain, peut être l’endroit où tout peut basculer.
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