C’est l’un des fléaux du Sénégal. L’invasion de déchets plastiques notamment sur les côtes. Autant dire que l’urgence est grande car une partie de ces déchets se retrouvent dans l’océan et détruisent les écosystèmes. Face à cette situation, certains se mobilisent et tentent d'agir.
Assiettes, sacs, chaussures, bassines, filets, pailles : on est loin de la carte postale. Quand on se promène près de la côte le long de l’océan, on ne peut qu’être horrifié par cette mer de plastiques sur laquelle viennent jouer les enfants au bord de l’eau. Le rivage, à certains endroits, est une sorte de grande poubelle à ciel ouvert. L'une des conséquences qui en découle, c'est la pollution de l'eau. Djibril est l'un des nombreux surfeurs qui vient s'adonner à son sport préféré. Ce qu'il voit en mer, lorsqu'il est sur sa planche, le dégoute et l'horrifie.
Nous, les surfeurs, on galère parce que parfois le matin ça va, mais l'après-midi, dès que le courant tourne, il y a des sacs plastiques partout, partout, partout : dans la baie, sur la vague, on voit des sacs flotter. Et si on fait rien, on va vraiment galérer.
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Cette galère concerne tous les acteurs qui vivent au bord de l'eau ou qui travaillent en mer. Ibrahim habite sur le rivage, il est pêcheur. Il est confronté à deux soucis majeurs. Le premier concerne sa maison, située là où les villageois viennent jeter leurs poubelles. Le second est directement lié à la pollution et à la disparition des animaux comme les tortues et les poissons, qui se font plus rares dans l’eau.
Avant il y avait des poissons, mais maintenant, ils disparaissent de plus en plus. C'est comme les tortues : avant, il y en avait ici, mais à cause du plastique qu'elles mangent, elles meurent. C'est à cause de toutes les poubelles. Même quand je dis à ceux qui viennent les déposer là de ne plus le faire, ils n'obéissent pas et profite de la nuit pour les mettre là.
Pourtant, le ramassage des poubelles existe, ici, à Dakar. On peut voir passer les camions de collecte de déchets mais souvent les containers à ordures sont éloignés des habitations. Si bien que trop souvent, encore, c'est la mer qui sert de poubelle.
Une prise de conscience lente mais réelle, qui mobilise de plus en plus de citoyens
Nous sommes dans le village de Ngor. Pour Omar, président des pêcheurs, ce n’est pas nouveau de jeter à l’eau car cela s'est toujours fait. En revanche, ce qui est nouveau, c'est la nature des déchets qui 'na plus rien à voir.
"Avant, tout ce qu'on jetait, c'était biodégradable, mais maintenant tout ce qu'on jette, c'est du plastique, des trucs qui peuvent durer cent ans. C'est plus pareil, parce qu'on a plus la même vie. Et même les produits, les détergents par exemple, avant on avait le savon pour laver, on n'utilisait pas beaucoup de javel et d'acide... Mais maintenant, on utilise les acides pour les carreaux, pour les WC, pour plein de choses, et après on jette à la mer. Et cela détruit tout. Les microplanctons meurent, les algues qu'on avait, on les a plus. C'est grave !"
Pour comprendre l’ampleur du problème, il faut savoir que Dakar produit 100 000 millions de tonnes déchets par an. Autant dire que l’objectif de l’association Zéro déchet Sénégal ne va pas être facile à atteindre. Elle organise des journées de nettoyage sur les plages, et met également en place des opérations de sensibilisation pour bannir les plastiques. Sa cible principale, ce sont les bars et les restaurants. S'appuyant sur la loi plastique qui, comme en France, vise à interdire les pailles et autres plastiques du quotidien, elle organise des partenariats dans lesquels les établissements s'engagent à bannir les objets polluants. Aisha Conte, la présidente de l'association, y croit, en tout cas.
Zéro déchet Sénégal milite sur le fait que nous devions de moins en moins consommer d'objets issus du plastique. La loi de 2015 nous aide dans nos actions. Il faut la faire appliquer.
Et l’association peut compter sur une aide inattendue, celle de la société Kayfo ("viens jouer" en wolof). Ce studio de création de jeux vidéo basé à Dakar a créé Clean My Beach, un petit jeu vidéo que l'on peut charger sur différentes plateformes, et qui se veut à la fois ludique et éducatif.
Julien Herbin, son responsable, en a eu l'idée en voyant le désastre des côtes autour de la ville. "Le principe, c'est que le joueur doit ramasser des déchets qui trainent sur la plage. Il y a des sacs plastiques, des tongs, des pneus, des boîtes de conserve, et il doit les attraper pour les lancer dans des poubelles qui deviennent de plus en plus difficiles à atteindre. Mais plus le joueur avance dans le jeu, plus il va rétablir l'écosystème naturel. Si bien que plus on joue, plus on voit apparaître des animaux sur la plage, comme si ils reprenaient possession des lieux."
Julien Herbin en est convaincu : le jeu vidéo, s’il ne fait pas tout, a l’avantage de s’adresser aux jeunes, ceux-là mêmes qui un jour seront aux responsabilités.
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