La langue sifflée des alpages

Valentin Balestrino s'entraine à siffler des voyelles, avec Julien Meyer, bioacousticien.
Valentin Balestrino s'entraine à siffler des voyelles, avec Julien Meyer, bioacousticien. ©Radio France - Antoine Giniaux
Valentin Balestrino s'entraine à siffler des voyelles, avec Julien Meyer, bioacousticien. ©Radio France - Antoine Giniaux
Valentin Balestrino s'entraine à siffler des voyelles, avec Julien Meyer, bioacousticien. ©Radio France - Antoine Giniaux
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Nous somme presque tous capables de siffler, pour reproduire un air de musique, ou attirer l’attention...Mais, dans les montagnes du Vercors, les sifflements pourraient, dans les années qui viennent, remplacer les téléphones portables, pour aider les bergers à communiquer et à s’organiser face au loup.

Les deux pieds dans la neige, à 1 000 mètres d’altitude, face a la vallée, Valentin Balestrino fait partie de ceux qui s’exercent à siffler des voyelles. Il a commencé les cours le mois dernier, avec une vingtaine d’élèves. "La plupart des gens commencent à arriver à émettre des sons", dit-il "Et l'oreille s'habitue. C'est vraiment comme apprendre une nouvelle langue".

Cette nouvelle langue, c’est Julien Meyer qui l’a introduite dans les Alpes. Bioacousticien, et linguiste au CNRS, il s’est inspiré de techniques ancestrales utilisées dans le Béarn, en Guyane, aux Canaries et dans les montagnes de l’Atlas. "On transforme les sons habituellement produits avec les cordes vocales, pour qu’ils portent plus loin, explique Julien Meyer. Une manière pour apprendre à bien siffler, c'est de faire les mots qu’on veut produire en sifflement, d’abord en chuchotement, puis avec un chuchotement soufflé, et ensuite un sifflement" .  

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"En criant, on ne dépasse pas 400m"

Une fois la technique maitrisée, il faut entrainer le cerveau a décoder les phrases, jusqu’à pouvoir construire une conversation. Par exemple, "le chien a la patte cassée", ou "une vache est tombée de la falaise". "Les fréquences du sifflement sont au dessus des fréquences les plus perturbatrices dans la nature, les fréquences dominantes du bruit de fond. C’est un bon rapport signal sur bruit. D'ici, on peut se faire comprendre de l’autre coté du torrent qu'on aperçoit en bas" démontre le bioacousticien : "Ca fait une distance de 700 mètres. Dans des conditions optimales, on peut aller jusqu'à trois kilomètres. Alors qu'ici, en criant, on ne dépasse pas les 300-400 mètres".

Et cette différence de portée des ondes sonores pourrait pourrait faire toute la différence pour les bergers, déjà habitués à siffler des ordres simples pour appeler leurs bêtes ou leurs chiens : "Le chien entend même les petits sifflements. C'est un son qui se propage très loin, surtout s'il y a de l'écho, en montagne. Du coup on parle, mais on siffle aussi", explique Mathias Jeure, qui garde son troupeau de brebis avec Aline Robert. "Dans le prochain alpage où on doit aller", reprend-elle, "le signal téléphonique ne passe nulle part. Un berger, sur son alpage, est hyper isolé. Il ne voit que les touristes ou les gens qui montent le voir. Et avec le loup, c'est vraiment super de pouvoir se prévenir d'un alpage à l'autre quand on a eu une attaque, parce qu'on sait que le loup n'est pas loin, on se méfie. C'est super important, même pour le soutien moral".

Il faut en moyenne une année de pratique, pour arriver à maîtriser la langue sifflée....À condition de trouver le temps pour s’entrainer régulièrement. 

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