"Allons en Europe" - Avant les élections européennes de mai, France Inter vous propose une série de reportages consacrés à l'Europe. Ce mardi, direction Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche français, où la filière s'inquiète du Brexit.
Alors que la première ministre britannique, Theresa May, soumet ce mardi à la chambre des communes son "plan B" pour le Brexit, les pêcheurs du nord de la France s'inquiètent. Leur sort est intimement lié à l'actualité britannique. À Boulogne-sur-mer, dans le Pas-de-Calais, premier port de pêche français, la filière redoute la fin des accords qui la régissent. Ils sont en ce moment dans le flou total.
"Nous n'avons pas les règles du jeu, nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés." explique Aymeric Chrzan secrétaire général du syndicat des mareyeurs de Boulogne sur Mer. Les professionnels sont obligés d'anticiper le pire, en espérant qu'il n'arrivera pas. Les mois passent et l'inquiétude grandit.
À deux heures de navigation à peine, les eaux britanniques
"Nous pêchons entre Dunkerque et Dieppe" raconte Stéphane Pinto, vice-président du comité régional des pêches et représentant des fileyeurs. Il est aussi patron du Don Lubi 2. Toute la flottille pêche dans les eaux anglaises entre 60 et 100 % du temps, selon les types de bateaux. Ces zones - aujourd'hui européennes - sont prisées des Néerlandais, des Belges, des Danois et donc des Français, car très poissonneuses.
À Boulogne-sur-Mer, l'importance économique de la pêche est colossale. Les pêcheurs ne sont pas les seuls concernés. Il y a aussi les mareyeurs, les transporteurs, les douaniers, les services sanitaires. Pour un emploi en mer, comptez en quatre ou cinq à terre. 5 000 personnes travaillent sur le port de Boulogne. Le Brexit est aujourd'hui un épouvantail qui pourrait amputer certaines entreprises du tiers de leur activité.
La filière connaît déjà des difficultés. Il reste à Boulogne aujourd'hui une petite quarantaine de bateaux, contre 77, il y a encore 5 ans. La pêche électrique a dégradé la ressource en peu de temps.
"Je vends mon bateau" explique Cédric Duchemin, le patron du "Droit au but".
Cédric Duchemin navigue depuis l'âge de 15 ans, il en a 40 aujourd'hui et il peine trop à assurer les salaires de son équipe. Faute de stocks suffisants de soles, le patron du "Droit au but" jette l'éponge.. Le Brexit c'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder la marée.
Les mareyeurs peuvent perdre 30 % de chiffre d'affaire. Ils écoulent une large partie du poisson des Britanniques exporté vers les consommateurs au sud de l'Europe. Pour Aymeric Chrzan, secrétaire général du syndicat des mareyeurs de Boulogne-sur-Mer, tout peut être remis en question avec le Brexit. Les nouvelles procédures pourraient engorger la route en amont ou en aval du tunnel sous la Manche. "Il faudra probablement reprendre à zéro toutes les procédures douanières, tous les contrôles vétérinaires. N'oublions pas que nous sommes sur un produit frais ultra sensible. Nous travaillons à flux tendu avec les transporteurs."
À Boulogne, la filière pêche table sur un Brexit dur et espère des négociations. "Aux pays européens concernés de trouver une solution sereinement" dit Stéphane Pinto.
"Les autres pêcheurs européens vont se retrouver dans un périmètre réduit, dans les eaux françaises. C'est source de conflit. Nous avons deux mois pour trouver une solution. Les Anglais sont des humains, discutons entre humains pour trouver une solution qui ira à tous."
Pour l'instant, aucune négociation en vue. Le Brexit reste un fantôme menaçant.
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