La maire de Cologne, Henriette Reker (sans parti politique) autorise les mosquées à appeler publiquement à la prière. Une expérimentation pour deux ans sous conditions strictes bien accueillie dans cette ville d'un million d'habitants dont 120 000 musulmans.
- Ludovic Piedtenu Journaliste, correspondant permanent de Radio France en Allemagne, ancien chef du service politique de France Culture
Il est important que nous vivions la diversité à Cologne et que nous ne nous contentions pas de la chanter ou d'en parler. Et cela inclut l'acceptation des différentes religions.
Dans l’Ouest de l’Allemagne, Henriette Reker (sans parti politique) la maire de la grande ville de Cologne, justifie sa décision en signe de respect vis-à-vis de ses concitoyens musulmans. Mais sous strictes conditions.
L’appel à la prière du muezzin ne doit pas durer plus de 5 minutes, une seule fois par semaine, le vendredi et sur les 5 prières quotidiennes, l’appel ne peut être public que pour celle du midi. Les 45 mosquées de la ville doivent faire une demande au préalable et en fonction des alentours et des voisins, un taux de décibel à ne pas dépasser leur est fixé, voire au besoin si elles sont dans un quartier résidentiel, les haut-parleurs doivent être tournés vers l’intérieur de la mosquée.
Tahir Ahmad est muezzin à Cologne :
C'est très bien pour les musulmans ici. Et nous sommes très heureux, car nous nous sentons maintenant comme chez nous, dans notre propre pays.
Mustafa fait partie des 120 000 musulmans de Cologne. Il sort de la mosquée centrale inaugurée en juin 2017, la plus grande d’Europe.
C’est une très bonne nouvelle pour la tolérance, pour l’intégration et pour la liberté. Ça serait bien que ça dure, au-delà des deux ans. Mais c’est déjà bien ainsi. C’est une seule fois par semaine, le vendredi, car pour nous les musulmans, c’est un jour de fête. Mais si la maire de Cologne veut l’autoriser tous les jours, ce serait encore mieux.
Mustafa ajoute que l’Allemagne ressemble désormais un peu plus à sa Turquie d’origine, où les cloches des églises sonnent et les mosquées appellent à la prière. Il n’est pas bien sûr mais il croit que c’est aussi le cas aux Pays-Bas. Et qu’ici en Allemagne, Cologne n’est pas la première ville à accorder ce droit aux musulmans.
Il a tout à fait raison, la première fois remonte à 1985 à Düren à 40 kilomètres de là et de très nombreuses autres villes du pays l’autorisent déjà mais de par sa taille, Cologne qui tente l’expérience, la nouvelle a fait la Une des journaux.
C’est dans ce quartier d’Ehrenfeld où se trouve la mosquée centrale et son minaret de 55 mètres que l’on devrait prochainement entendre le premier appel public à la prière.
Le maire du quartier, l’écologiste Volker Spelthann nous reçoit dans son bureau :
Les mosquées existent, elles ont toujours existé. Avant la construction de la mosquée centrale, il y en avait une autre à sa place et depuis les années 80, l’appel du Muezzin se pratiquait déjà dans la cour. On ne pouvait pas vraiment l’entendre. Et avec ce qui est proposé là, ce n’est pas comme si on allait entendre l’appel à la prière partout dans Cologne ! Pour moi, ce n’est pas un débat politique, on se doit de respecter la loi fondamentale qui nous demande de veiller à ce que les communautés religieuses puissent pratiquer leur foi.
Dans les rues de cet ancien quartier ouvrier, toujours populaire et animé, aucune personne ne trouve à redire sur le sujet. Ce qui n'aurait peut-être pas été le cas dans l'Est de l'Allemagne, ici, personne ne semble offusquée dans cette ville de Cologne à la longue tradition libérale et ouverte. Il y a bien eu récemment le rassemblement d'une centaine de manifestants appelés par l'extrême-droite mais ça s'est arrêté là. Car ici chacun se respecte me dit Toundjaïl qui tient le kiosque du coin :
Je suis un cologno-turc ! c’est comme ça qu’on dit ici. Je suis de la deuxième génération et né à Cologne. Avec notre famille, on a grandi dans une démocratie. Chacun avait le droit de faire ce qu’il voulait. Moi je ne suis pas très croyant. Mais mon frère l’est. Et je pense que cette expérience à raison d’une fois par semaine peut tout à fait être tolérée. Ici il y a beaucoup d’églises, on entend les cloches, il y a les synagogues, Cologne est une ville tolérante, ça l’a toujours été, c’est comme ça que je la connais.
A gauche comme à droite, cette annonce ne fait pas débat… Martin Erkelenz, du parti chrétien-démocrate, la CDU :
Nous sommes un creuset multiculturel depuis 2000 ans. Et nous en sommes fiers, même si c’est parfois un processus difficile. Ici, la tolérance et le respect ne sont pas à sens unique. Une communauté religieuse doit être tolérante envers ses voisins et inversement. Bien sûr, ça en préoccupe certains mais ça ne déclenche aucune malice, aucune hostilité ou quoique ce soit de ce genre.
Avec son concept de liberté religieuse, l’Allemagne semble avoir des débats bien plus apaisés que certains de ses voisins.
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