Covid-19 : les traumas psychologiques post-réanimation

Des soignants prennent en charge un patient Covid en réanimation. Image d'illustration.
Des soignants prennent en charge un patient Covid en réanimation. Image d'illustration. ©AFP - Jeff Pachoud
Des soignants prennent en charge un patient Covid en réanimation. Image d'illustration. ©AFP - Jeff Pachoud
Des soignants prennent en charge un patient Covid en réanimation. Image d'illustration. ©AFP - Jeff Pachoud
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Jusqu’à un patient sur deux souffre d’un syndrome post-traumatique après la réanimation. Troubles du sommeil, cauchemars, anxiété voire dépression : ces patients sont fragilisés psychologiquement. Reportage au service de réanimation de l’hôpital de Saint Étienne.

Khaled revient pour la première fois dans le service de réanimation où il a été hospitalisé lors de la première vague. 25 jours en réa, 15 jours de coma. À 68 ans, ce retraité a rendez-vous pour sa consultation de suivi, menée par Sophie Périnel, le médecin réanimateur qui l’a intubé l’an passé.

Au début de l’entretien, Khaled se veut rassurant. Il va bien, assène-t-il. La santé, l’appétit, tout va bien. Mais il enchaine aussitôt sur "les images traumatiques qui traversent mon esprit, les sons qui me rappellent mon hospitalisation, ce sont des flashs. Il y a de temps en temps des petits cauchemars ou des moments de panique. Mais c’est très court", croit-il minimiser.

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Suivi psychologique

Le rendez-vous se poursuit, Khaled est bavard, intarissable, même, sur les progrès effectués. Mais ces signaux ont été captés par le docteur Périnel qui revient sur ce point en fin de consultation. Elle lui propose les coordonnées de la psychologue du service. Khaled accepte sans hésiter. Il concède : 

"Si le Covid a disparu de nos organismes, il reste dans nos têtes."

Pour Sophie Périnel, ces rendez-vous, souvent très forts et intenses, "c’est la dimension que j’adore dans mon métier". "On a des connaissances très techniques, mais chaque situation nous apporte tant sur le plan humain que psychologique cette humanité-là. Il faut qu’on la garde car elle nous est indispensable pour faire ce métier."

Chaque semaine, le service de réanimation de l’hôpital Nord de Saint-Étienne assure, à effectif constant, deux rendez-vous de deux heures chacun. Ce jour-là, le second patient est un homme toujours très affaibli. Il est accompagné de sa femme. Il a 62 ans, marche difficilement, mais pour lui l’essentiel n’est pas son état psychologique, mais le fait qu’il soit en vie.

Aucun souvenir

Quand le médecin lui demande comment ça va : "C’est pas le Pérou", répond-il. "Mais je suis là, je sais d’où je viens." Il n’attendait pas forcément grand-chose de cette consultation de suivi. Il voulait avoir une chronologie pour reconstituer son long parcours médical. Il n’en a aucun souvenir, "mais j’ai fait en sorte d’oublier, de passer à autre chose", dit-il.

C’est le professeur Guillaume Thiery qui a tenu à organiser ces rendez-vous de suivi. Il dirige le service de réanimation. Ce n’est pas la norme de voir ces consultations menées par des réanimateurs, mais pour lui c’était essentiel. "Les jours passés en réanimation sont chèrement payés, on n’est pas là et en trois jours c’est derrière nous. Non, la réa ce n’est pas ça. Donc il faut toujours s’interroger pour savoir s’il faut passer par cette étape-là. Il faut savoir si le patient veut à terme la vie qu’on lui permettre après", éclaire le Professeur Thiery.

Un an après un passage en soins intensifs, un patient sur cinq n’est pas guéri de son syndrome post-soins intensifs et continue de souffrir de certains symptômes.