La Guinée est assise sur l’une des plus grandes réserves de bauxite, le minerai utilisé pour l’aluminium, alors que la population est plongée dans une grande pauvreté. C’est la raison avancée par les putschistes pour s’emparer du pouvoir qu’ils jugeaient corrompu et illégitime.
Dans les rues de Conakry, les portraits du nouvel homme fort du pays, le colonel Mamady Doumbouya, côtoient ceux d’Alpha Condé, chassé par le coup d’État du 5 septembre dernier. Une date que Camara, un jeune diplômé au chômage, n’est pas prêt d’oublier :
"Les gens pensent que c’est un coup d’État mais ce n’est pas un coup d’État, c’est la liberté. Ils ont tout volé et nous on souffre ! C’est la libération totale !"
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"Ils se servent dans les caisses comme si c’était leur argent"
Une libération après des mois de contestation contre le troisième mandat d’Alpha Condé, fruit d’un tripatouillage de la Constitution. Un passage en force balayé par les militaires qui ont promis de mettre fin à la corruption et au clientélisme qui gangrènent la Guinée depuis des décennies. Hadja Diallo est fonctionnaire au sein du ministère de l’Economie et des finances, elle a été témoin des malversations et autres détournements de fonds :
"Ils se servent dans les caisses comme si c’était leur argent. Ils font tout ce qu’ils veulent dans la Banque Centrale. Le gouvernement, du premier au dernier, tous, ils se remplissent les poches au détriment de toute la population."
Symbole de cette mauvaise gouvernance, le réseau routier est dans un état chaotique. Pour désenclaver le pays, les anciennes autorités se sont lancées dans des chantiers titanesques dans le cadre d’un accord avec la Chine, partenaire privilégié de la Guinée. Il y a par exemple une route qui devait relier la banlieue de Conakry au centre du pays, soit 370 kilomètres de bitume. Lancés il y a bientôt trois ans, les travaux n’ont jamais vraiment commencé. La piste de terre cabossée est empruntée chaque jour par des milliers de véhicules dans un nuage de poussière rougeâtre.
Colère décuplée dans les régions minières
Boké, ville de 100 000 habitants à l’ouest du pays, abrite 14 sociétés minières dont sept en exploitation. Chaque soir, Boké est plongée dans l’obscurité, entre pénuries d’eau et d’électricité. Un scandale régulièrement dénoncé par les jeunes dont la très grande majorité est au chômage. Pour Yakara, 34 ans, qui n’a jamais véritablement travaillé depuis la fin de ses études, c’est ce qui pousse certains jeunes à risquer leur vie sur les routes de l’immigration clandestine :
"En 2017, 2018, nous sommes descendus dans la rue et on a tout cassé mais ça n’a rien changé. De nombreux jeunes ont choisi de vivre ailleurs, dans d’autres pays africains et même en Europe."
Les populations locales réclament également le respect des mesures environnementales. Les habitants se plaignent régulièrement de problèmes respiratoires dues à l’exploitation de la bauxite qui est à l’origine de la pollution de l’air, mais aussi des cours d’eau ou des sols de moins en moins fertiles selon Awa Camara, représentante des femmes du village de Dabis, coincé entre une carrière de granit et une mine de bauxite :
"Le plus dangereux c’est le dynamitage, ça peut nous tuer. Les roches sont projetées jusqu’ici. A chaque explosion, on est obligé de s’éloigner, on a peur. Ça fait beaucoup de bruit. On ne perçoit pas les retombées économiques de l’exploitation de ces mines, rien du tout. On ne voit que les aspects négatifs, nos cours d’eau sont à sec ou pollués, nos forêts sont saccagées. Avant l’arrivée des sociétés minières, on pouvait aller cueillir nos fruits et les vendre au marché, aujourd’hui, tout ça c’est fini à cause de la déforestation."
Les Guinéens s’en remettent désormais à la junte militaire au pouvoir à Conakry qui a promis une meilleure redistribution des richesses du pays et une intensification de la lutte contre la corruption.
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