Défendre les accusés au procès des attentats du 13-Novembre

Me Olivia Ronen et Me Martin Vettes, avocats de Salah Abdeslam, au procès des attentats du 13-Novembre 2015.
Me Olivia Ronen et Me Martin Vettes, avocats de Salah Abdeslam, au procès des attentats du 13-Novembre 2015. ©Radio France - Valentin Pasquier
Me Olivia Ronen et Me Martin Vettes, avocats de Salah Abdeslam, au procès des attentats du 13-Novembre 2015. ©Radio France - Valentin Pasquier
Me Olivia Ronen et Me Martin Vettes, avocats de Salah Abdeslam, au procès des attentats du 13-Novembre 2015. ©Radio France - Valentin Pasquier
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Après neuf mois d'audience, commencent les plaidoiries des avocats de la défense, au procès du 13-Novembre. Comment les avocats des accusés ont-ils traversé ce procès ? Comment ont-ils travaillé avec leurs clients accusés ? Comment vont-ils plaider ?

Me Olivia Ronen a 32 ans. L’âge de son client : Salah Abdeslam : le seul membre encore en vie des commandos terroristes parisiens, celui contre qui les avocats généraux viennent de requérir la perpétuité incompressible. C’est lui qui le premier a contacté l’avocate, en 2018, à une époque où il était encore obstinément mutique face aux juges d’instruction. A cette période, la jeune avocate aux longs cheveux bruns vient de remporter un très prestigieux concours d'éloquence, celui des secrétaires de la conférence, et elle a commencé à défendre des hommes accusés de djihad. Mais pour Salah Abdeslam, enfermé dans son silence dans sa cellule ultra surveillée de Fleury-Mérogis, elle hésite avant d'accepter. Elle n'a néanmoins jamais eu peur. "C'est une vraie mission de se dire qu'on va intervenir dans un dossier tel que celui-là", dit-elle. "Bien sûr qu'on réfléchit. Moi, le critère fondamental, c'était de savoir si je réussissais à avoir un vrai contact qui me donne envie d'y aller, et la première rencontre s'est bien passée, les suivantes également, c'est pour ça que j'ai eu envie d'y aller, parce qu'on a réussi à se lier."

En "équipe" avec Salah Abdeslam, l'accusé qu'ils défendent

Pour défendre Salah Abdeslam, Me Olivia Ronen est en duo avec Me Martin Vettes. 32 ans lui aussi, et seulement quatre procès d’assises au compteur, beaucoup d’humilité et une grande détermination. C'est son cinquième procès d'assises. Ses premières assises terroristes. "La détermination vient en très grande partie du fait que Salah Abdeslam veut se défendre, et dans un dossier aussi grave, quand vous avez des charges aussi lourdes qui sont retenues contre un accusé, que cet accusé vous désigne et qu'il manifeste le souci de se défendre, la détermination vient toute seule", assure le jeune avocat aux yeux verts.

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Les deux avocats précisent que, bien sûr, ils ne soutiennent pas l’Etat islamique ni ne cautionnent les attentats. Mais un lien de plus en plus fort s’est créé entre Abdeslam et eux. Me Ronen parle même d’“équipe” à trois, dans ce procès. "Il est important qu'il soit intégré à sa défense. Ce n'est pas un travail qu'on fait seulement entre avocats, c'est un travail d'équipe. Je pense que c'est cela aussi qui fait qu'on a pu avancer dans ce procès, c'est qu'on le considère comme faisant partie de l'équipe, et que les décisions, on les prend ensemble et on avance ensemble". Martin Vettes ajoute qu'ils ne tenaient rien pour acquis quand ils ont abordé ce procès. Ils ne savaient pas si Salah Abdeslam allait rester muet face à la cour d'assises spécialement composée, comme il l'a été durant plus de quatre ans d'instruction. Le premier jour Abdeslam s'est finalement montré bavard, se revendiquant comme un combattant de l'Etat islamique. Sept mois plus tard, lors de son dernier interrogatoire, il a demandé pardon aux victimes et présenté ses excuses, utilisant certains mots ambigus, ambivalents. "Les attitudes qu'il a à l'audience, on n'est pas nécessairement au courant, il y a une part d'imprévisible", précise Me Vettes. "Mais ça fait partie de lui aussi, et pour moi, Salah Abdeslam, c'est un bloc, un bloc d'humanité, avec ses contradictions, ses défauts, ses failles, et il a montré plusieurs de ses visages à l'audience".

A côté des avocats d'Abdeslam, sur les bancs de la défense, une trentaine d’autres robes. Parmi elles,  beaucoup d'anciens "secrétaires de la conférence", comme Olivia Ronen, mais aussi un certain nombre de ténors belges. L’un a vécu à Molenbeek, comme plusieurs accusés. Tous ces avocats de la défense sont souvent jeunes, et sont tous très combatifs, au nom du droit. Me Raphaël Kempf est l'un des plus tenaces et des plus révoltés. Il défend Yassine Atar, petit frère du commanditaire présumé, qui clame son innocence. A quelques jours de sa plaidoirie, Me Kempf sent le trac monter. "Se lever pour plaider à ce procès, évidemment c'est angoissant, évidemment j'aurai mal au ventre comme n'importe quelle fois où je me lève, pour plaider pour quelqu'un qui en plus est innocent", confie-t-il. Me Kempf parle d'une "angoisse terrible à se lever en se disant qu'on ne va peut-être pas réussir à convaincre que Yassine Atar doit être acquitté".

Les plaidoiries de la défense commencent aujourd’hui. D’abord pour les accusés considérés comme "les petites mains", ainsi que les a nommés l'accusation, ceux contre qui les magistrats ont requis les peines les plus légères. Les avocats et les avocates de ces hommes vont tout tenter en plaidant, car certains de ces accusés ont passé tout le procès libres, sur un strapontin, et risquent de repartir menottés après le verdict, le parquet national anti-terroriste ayant requis des mandats de dépôt pour deux d'entre eux . Les avocats de Salah Abdeslam, eux, plaideront, les derniers, le 24 juin. Ils sont en train d’écrire leur plaidoirie.

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