JO : le biathlon, un paradoxe français

Le biathlon attire de plus en plus de jeunes pratiquants, comme au Grand-Bornand (Haute-Savoie)
Le biathlon attire de plus en plus de jeunes pratiquants, comme au Grand-Bornand (Haute-Savoie) ©Radio France - Jérôme Val
Le biathlon attire de plus en plus de jeunes pratiquants, comme au Grand-Bornand (Haute-Savoie) ©Radio France - Jérôme Val
Le biathlon attire de plus en plus de jeunes pratiquants, comme au Grand-Bornand (Haute-Savoie) ©Radio France - Jérôme Val
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Le biathlon devrait ramener beaucoup de médailles lors des JO de Pékin. C'est une discipline très populaire alors qu'il y a une décennie, personne ou presque ne s'y intéressait. L'anomalie, c’est qu’il reste confidentiel dans la pratique tout en suscitant un réel engouement partout en France.

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Au fond de la vallée du Bouchet au Grand-Bornand en Haute-Savoie, un petit groupe de jeunes biathlètes s'entraînent sur le pas de tir recouvert d'une épaisse couche de neige. Pas très loin de cossus chalets et d’une petite chapelle en pierre. Seuls les tirs à la carabine brisent le silence de la montagne. "J’ai bien accroché dès le début", nous raconte Emma Lefèvre, un peu essoufflée après une bonne trentaine de minutes à ski de fond à travers les sapins. A 17 ans, cette jeune licenciée du club de la Clusaz pratique le biathlon depuis 4 ans. "Dans ce sport, il faut être hyper rigoureux et moi j’aime bien le challenge. Ça apporte vraiment quelque chose en plus", ajoute-t-elle.

Le biathlon est un sport désormais reconnu et très suivi mais encore peu pratiqué en France.
Le biathlon est un sport désormais reconnu et très suivi mais encore peu pratiqué en France.
© Radio France - Jérôme Val

Nicolas Brochant est encore un peu plus jeune : 14 ans, en 3ème en sport-étude. Après des années de ski de fond, il a pris le virage du biathlon cette année. "J’ai voulu tenter. Ce mélange de ski et de tir me plaît pour l’instant. Au collège, on a des aménagements avec des entraînements le mardi matin et le vendredi matin."

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C'était très confidentiel" Aymeric Deschamps, ancien athlète et entraîneur

Un peu plus loin, Théo Guiraud-Poillot se couche au sol pour tenter d'atteindre les cinq cibles. A 20 ans, il a déjà un peu plus d’expérience. "Le ski est un effort physique intense où il faut repousser la douleur et le tir appuie plus sur le mental et la concentration, analyse celui qui a intégré le comité Mont-Blanc biathlon, la structure en Haute-Savoie qui forme les champions de demain_. Ça fait plaisir de voir autant de gens s’y intéresser et ça évolue beaucoup alors qu’il y a quelques années, ce n’était pas le cas."_ "Depuis 5 ou 6 ans », précise Aymeric Deschamps, le responsable de ce comité chez les hommes. « La mayonnaise a pris alors que quand j’étais athlète, c’était très confidentiel », fait-il remarquer.

Comme Emma, Nicolas et Théo, ils sont de plus en plus nombreux à intégrer les clubs : dans les Alpes, le Jura, les Vosges ou les Pyrénées. "Plus ça va, plus les jeunes veulent faire du biathlon, c’est flagrant", constate Joanny Rochet, ancien athlète, et aujourd’hui entraîneur au ski club du Grand-Bornand, l’un des berceaux historiques de ce sport en France. Le club compte 70 licenciés de 12 à 20 ans. L’entraîneur complète : "on les prend à partir de la 6ème et on commence avec du tir à 10 mètres avec une carabine à plomb. On attaque la carabine 22 long rifle à partir de 14 ans sur les vraies cibles de biathlon, comme les grands."

"De l'équitation et de la canne à pêche ?" Quentin Fillon-Maillet, numéro un mondial

Et pourtant, le succès était loin d'être garanti il y a quelques années encore. Ce sport était même méconnu quand Quentin Fillon-Maillet, actuel leader de la Coupe du Monde, a démarré sa carrière. "Il fallait expliquer aux gens que le biathlon n’était pas de la course à pied et du vélo, ou de l’équitation et de la canne à pêche, rigole le Jurassien_. Maintenant, les gens connaissent le sport, nous reconnaissent et j’ai l’impression de vivre l’âge d’or de ma discipline. C’est vraiment paradoxal au vu du nombre de licenciés par rapport à la médiatisation."_ Au point peut-être de rendre d’autres sports  "jaloux".

Celui qui a incarné l'essor de la discipline en France, c'est bien sûr Martin Fourcade : quintuple champion olympique, sept fois vainqueur de la coupe du monde. A lui-seul, le désormais retraité des pistes a porté cette discipline au sommet, en termes de résultats et de ferveur. "Quand j’ai découvert mon sport à l’international, il y avait déjà une exposition importante en Allemagne, en Autriche et dans les pays scandinaves, explique-t-il à France Inter_. En France, on était sur un sport confidentiel et c’était un peu schizophrène pour nous. J’ai beaucoup donné pour que le biathlon soit plus exposé mais c’est tellement gratifiant de voir le succès populaire_."

Au Grand-Bornand, l'étape de Coupe du monde en décembre 2021 a suscité un véritable engouement
Au Grand-Bornand, l'étape de Coupe du monde en décembre 2021 a suscité un véritable engouement
© Radio France - Jérôme Val

Pari réussi : l'étape de coupe du monde au Grand-Bornand qui a eu lieu en décembre 2021 a rassemblé 60 000 spectateurs. A la télévision, la chaîne l'Equipe qui retransmet les épreuves en clair depuis 2015 enchaîne les succès d'audience : 25 courses diffusées l’an passé ont dépassé le million de téléspectateurs. "C’est notre sport doudou", s’amuse Jérôme Saporito, le directeur du pôle TV de l'Equipe. "Nous ne nous intéressons pas au milieu de la montagne. Moi, ce qui me plaît, c’est quand des Vendéens, des Bretons ou des Basques regardent. Eux n’ont pas de connexion directe avec la montagne ou la neige. Oui, je suis un peu surpris par ces succès d’audience mais on vise spécifiquement ces publics et ça marche."

"Du tir laser dans les cours d'école" Anne-Chantal Pigelet, président de la Fédération de ski

Sport connu, reconnu, apprécié mais encore peu pratiqué : difficile d’obtenir des chiffres précis mais à la Fédération Française de Ski (FFS), on estime à "moins de 6 000, 7 000" le nombre d’adeptes du biathlon en France. Il y a des obstacles à un développement de la pratique : des infrastructures (comme un pas de tir) et une carabine 22 long rifle, un véritable investissement (4 200 euros à l’achat). Mais les pistes pour son essor. "C’est une discipline qui a vocation à se développer de façon significative dans les prochaines années, espère Anne-Chantal Pigelet la présidente de la FFS. Il y a la possibilité de développer du biathlon plutôt de façon loisir avec des parcours d’orientation, du tir laser. On peut le pratiquer dans les cours d’école ou dans les bois, pas forcément en montagne. Ça peut susciter de l’intérêt, de l’engouement et plus de licenciés pour la fédération."

Les résultats des Bleus (31 podiums cette saison) contribuent à l’élan de ce sport. Au Grand-Bornand, comme partout ailleurs en France, les passionnés attendent encore mieux dès le 5 février pour les Jeux Olympiques de Pékin.