Au cœur de l’Amazonie, la crainte d’une future pandémie

Le 16 novembre 2019 lors d'un reportage sur l'orpaillage illégale et le fléau de la pollution au mercure de la région, notamment le fleuve Maroni.
Le 16 novembre 2019 lors d'un reportage sur l'orpaillage illégale et le fléau de la pollution au mercure de la région, notamment le fleuve Maroni. ©Maxppp - Fred Dugit
Le 16 novembre 2019 lors d'un reportage sur l'orpaillage illégale et le fléau de la pollution au mercure de la région, notamment le fleuve Maroni. ©Maxppp - Fred Dugit
Le 16 novembre 2019 lors d'un reportage sur l'orpaillage illégale et le fléau de la pollution au mercure de la région, notamment le fleuve Maroni. ©Maxppp - Fred Dugit
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Nous vous emmenons dans la jungle guyanaise, au cœur de l'Amazonie, le poumon vert de notre planète. Il est menacé aujourd'hui par l'orpaillage et la déforestation.

De nombreux chercheurs et scientifiques alertent aujourd'hui sur la nécessité de préserver ces "hotspot de biodiversité". Car l'Amazonie conserve un grand nombre de parasites, de bactéries et de virus, évoluant aujourd'hui dans un certain équilibre que les activités humaines intrusives viennent perturber. Pour certains chercheurs, la Guyane est devenue un véritable laboratoire à ciel ouvert pour étudier, à la lumière de l'épidémie de Covid-19, d'où viendront les prochaines pandémies. 

Les dangers de la déforestation 

Alors que le petit avion survole la forêt guyanaise, des plaies béantes oranges et jaunes clair creusent l’immensité de vert. Ce sont des sites d’orpaillages, dont 129 sont actifs et illégaux. Ils sont isolés au cœur de la forêt, ou situés à quelques kilomètres à peine de certains villages, comme à Papaichton, petit village dans l’ouest Guyanais, aux portes de la jungle. 

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Clément Lermyte est inspecteur de l’environnement au sein du Parc Amazonien de Guyane. Il nous guide à pied jusqu’à l’un de ces sites démantelés il y a trois mois à peine. Au sol, les travailleurs clandestins ont laissé leurs outils : un moteur détruit par les militaires, des restes de pompes de tuyaux. Mais il faut lever les yeux pour constater le désastre.

"La plupart des arbres ont disparu, c’est flagrant" raconte Clément Lermyte. "On est dans un milieu détruit, la forêt n’existe plus. En fait, toutes ces activités perturbent l’ensemble des espèces animales qui vivent dans le secteur." Des papillons, des oiseaux mais aussi des moustiques, des chauves-souris, des singes, des animaux sauvages sont porteurs de nombreuses bactéries et virus, dont certains peuvent être dangereux pour l’Homme. 

Un laboratoire à ciel ouvert

Pour les chercheurs comme Rodolphe Gozlan, épidémiologiste à l’IRD, l’Institut de recherche et de développement, la jungle guyanaise, est un véritable laboratoire à ciel ouvert, un nid à virus, qu’il faut surveiller de près : "L’Amazonie, c’est un territoire de biodiversité mais aussi de bactéries et des virus. On a travaillé pendant quatre ans en Guyane on a montré des liens directs entre orpaillages, déforestations et émergences d’épidémie surtout dans des zones tropicales où il y a une forte diversité."

Concrètement lorsque des orpailleurs illégaux, par exemple, défrichent, creusent des tranchées dans le sol, détournent des rivières, ils font déplacer les animaux présents dans le secteur vers de nouvelles zones. S'ils entrent en contact avec les êtres humains, une épidémie peut se mettre en place. 

Une "bombe à retardement"

À l’Institut Pasteur de Cayenne, Benoit de Thoisy, vétérinaire de formation, répertorie et traque les virus présents sur les mammifères de Guyane. Alors qu’au Brésil voisin ses homologues s’alarment et qualifient l’Amazonie de "bombe à retardement", à ce stade, ce scientifique se veut plus rassurant. "Ça peut émerger, bien évidemment. Il y a en tout cas le potentiel en termes de diversité de bactéries, mais il y a peut-être d'autres facteurs qui font que la situation est peut-être moins dramatique sur du court terme que certains le voient. Il y a moins de populations dans les zones africaines ou dans les zones asiatiques, ça, c'est sûr." 

Est-ce qu'il y a aussi sûrement des choses sur lesquelles on réfléchit des comportements des animaux, notamment des mammifères, qui sont vraiment très différent de ce qu'il y a en Amazonie par rapport à ce qu'il y a en Afrique ou en Asie. Pour l'instant, c'est compliqué d'être complètement catégorique.

Lorsqu’on retourne dans la jungle, sur des sites d’orpaillage plus anciens, la forêt semble avoir repris le dessus. Il est donc indispensable, "urgent" dit-il de protéger la forêt amazonienne, si l’on veut réduire le risque de propagation des futures épidémies.