

Moins de deux semaines avant le scrutin, la campagne, assez calme, tourne beaucoup autour des questions de personnes et assez peu autour des idées. Bientôt sans Angela Merkel, l’Allemagne cherche un nouveau visage.
Ils sont trois favoris pour la Chancellerie : l’écologiste Annalena Baerbock, Armin Laschet pour l’Union centriste CDU/CSU et Olaf Scholz pour les sociaux-démocrates.
Ce sont ceux qui s’affrontent dans les débats télévisés. Ceux dont on voit surtout le visage sur leurs affiches électorales. On le vérifie ici dans un meeting d'Olaf Scholz, candidat du SPD, dans le Treptower Park à Berlin. Un petit rassemblement de quartier où l'on trouve pas moins d'une dizaine d'affiches du candidat avec son visage en en noir et blanc et en très gros plan.
Question sur cette hyper-personnalisation de la campagne allemande posée à Suzanne et son mari Jan Peter : "Bien sûr, nous n’avons pas de système présidentiel comme en France. Mais je veux avoir un leader comme chancelier fédéral, qui dirige son cabinet, son gouvernement, qui va devant les députés du Bundestag, c’est pourquoi il est important d’apprendre à connaître les candidats dans de si petits meetings comme ce soir, c’est une des raisons pour lesquelles je suis venu, explique Jan Peter."
"Un choix de personne" dans un pays où les partis sont rois
Suzanne perçoit ce qu'elle appelle une "évolution". "Nos élections deviennent de plus un plus un choix de personne alors que notre système électoral est basé sur les partis. Cela tient bien sûr au fait que nous nous laissons influencer par ce qui se passe en politique ailleurs dans le monde. Quand on regarde les États-Unis, la France, nous reprenons beaucoup de ces mécanismes dans la propagande électorale, dans la communication, bien sûr. C’est aussi une tendance médiatique, les médias sont influencés par les tabloïds, ils s’intéressent beaucoup plus aux candidats, de sorte que la politique puisse être mieux vendue à travers des histoires personnelles ce qui place les personnalités au premier plan de cette campagne électorale et ne laissent que peu de place au contenu et aux défis auxquels ce pays est confronté."

Jan Peter reprend la parole : "Je comprends que les partis mettent les individus au premier plan. On a quand même eu pendant 16 ans Helmut Kohl, 16 années encore Angela Merkel. Ce sont devenus des figures, des visages pour l’Europe, pas seulement pour l’Allemagne et puis ce sont des personnes qui passent tous les jours à la télévision, qui donnent des interviews et qui donnent leur opinion."
À chaque scrutin, se renforce ce que les chercheurs appelaient un temps "l’américanisation de la vie politique" avec en 2002 le premier débat télé en Allemagne. Un duel… comme il y en a ensuite toujours eu et la plupart du temps un seul, car Angela Merkel n’a jamais voulu en faire plus.
Cette année, on compte pas moins de cinq débats télévisés, deux avant l’été, trois au mois de septembre. Et ce n’est plus un duel, ils sont trois ! Et ces trois-là, ainsi que les libéraux du FDP, jouent à fond cette carte de l’hyper-incarnation, cette mise en scène des candidats. Et dans une moindre mesure, l’extrême-droite et l’extrême-gauche.
Personne ne parle de "rupture"
Pour le vérifier, rendez-vous est fixé au siège du parti de gauche Die Linke dans le quartier Mitte à Berlin. Jörg Schindler, directeur exécutif du parti commence la visite. "Ici, vous avez les programmes, le journal de campagne, les affiches de toutes les tailles et puis on entrepose aussi nos très grandes affiches 4 mètres par 3, c’est une tradition en Allemagne, on pose ça où on veut pour les dernières semaines. Et vous pouvez voir ce qu’on a écrit dessus, on cite un problème, on propose une solution. Et puis on ajoute en dessous toujours en gros notre slogan : MAINTENANT !"

"Nous voulons parler du contenu politique et ce dont les gens se soucient", poursuit-il. "Quand on fait du porte-à-porte, les gens ne nous parlent pas de Scholz, Laschet ou Baerbock, ils parlent d’école, de transports, de salaires, du loyer, du social. Nos affiches sont peut-être « Old Fashion », comme dans le temps, mais je crois pas, je pense qu’on parle de choses très actuelles et dans notre parti, on parle des gens. Les électeurs peuvent aussi décider de ce qu’ils veulent pour leur vie quotidienne, et pas simplement parce qu’ils vous ont trouvé sympathiques à la télévision."
On peut ajouter à cette américanisation un phénomène propre à cette élection, qui vient modérer et nuancer cette bataille de personnes qui se déroule de façon extrêmement courtoise et modérée. On pourrait appeler ça une merkelisation de la campagne, ce qui contredit le fonctionnement médiatique : parmi les trois favoris, à part sur quelques points la candidate écologiste, personne ne parle de rupture. Leur message est celui de la continuité et de la stabilité.