L'Éducation nationale par contrat

Sofiane Ferradi, professeur de SVT au collège Les Colliberts, accompagne son élève Tristan, lors d’une séance en petit groupe sur l’orientation
Sofiane Ferradi, professeur de SVT au collège Les Colliberts, accompagne son élève Tristan, lors d’une séance en petit groupe sur l’orientation ©Radio France - Sonia Princet
Sofiane Ferradi, professeur de SVT au collège Les Colliberts, accompagne son élève Tristan, lors d’une séance en petit groupe sur l’orientation ©Radio France - Sonia Princet
Sofiane Ferradi, professeur de SVT au collège Les Colliberts, accompagne son élève Tristan, lors d’une séance en petit groupe sur l’orientation ©Radio France - Sonia Princet
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Autonomie des établissements, projets contre financement... C'est le nouveau mode de fonctionnement dans l'Education nationale et qui s'applique désormais à l'éducation prioritaire. Cette réforme est expérimentée depuis la rentrée dans les académies d'Aix-Marseille, Lille et Nantes.

Des écoles, des collèges et des lycées professionnels qui ont toutes les caractéristiques des établissements défavorisés viennent d'obtenir des Contrats locaux d'accompagnement pour 3 ans, dans les trois académies où sont expérimentés ces nouveaux dispositifs. Ils ont dû présenter des projets innovants et taillés sur mesure, pour recevoir en échange des moyens financiers supplémentaires. Ce dispositif est totalement différent des réseaux d'éducation prioritaire REP mais pourrait à terme les remplacer.

Entouré par les champs à perte de vue, le collège Les Colliberts à Saint Michel en L'Herm, dans le Sud de la Vendée est un petit établissement de 280 élèves, à une heure de route de la Roche sur Yon. Il a toutes les particularités de l'éducation prioritaire mais n'en fait pas partie. C'est pourtant, selon le portrait dressé par le principal Hervé Heughe, "un collège éloigné, rural, avec peu d'ambition scolaire, des résultats au brevet qui pourraient être nettement meilleurs et des familles défavorisées". Le principal a donc présenté un ensemble de quatre projets et obtenu des moyens financiers importants pour les mener, moyens qu'il n'aurait pas eus sans ce contrat local d'accompagnement.

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Un atelier sur l'orientation peut ainsi être proposé aux élèves à l'heure du déjeuner. Chaque professeur va s'occuper pendant une heure de deux ou trois élèves maximum, parmi eux Gianni : "Un petit groupe comme ça, ça permet aux profs de mieux nous écouter, sur nos ressentis, qu'on arrive peut être pas à exprimer devant la classe." Dans la salle Sofiane Ferradi, enseignant de Science de la Vie et de la Terre, se trouve aux côtés de Tristan. "Tristan, il a besoin de beaucoup d'attention en SVT", explique le professeur, "ça me fait du bien de le voir ici parce que ça me permet de le voir autrement que dans la classe, ça me permet d'être plus proche de lui". Un peu plus loin, son collègue Pierre-Alain Brun renchérit : 

"Clairement, on n'a pas les mêmes élèves. En tant que professeur de physique-chimie, j'ai absolument tous les élèves de l'établissement donc je les connais tous, mais je n'ai pas le même élève en face de moi quand il est tout seul, plutôt que dans un groupe classe, on tisse un lien de confiance qu'il est important de garder, d'où le suivi tous les jeudis et surtout il ne faut pas de rupture".

Pour ce travail en dehors de la classe, les professeurs volontaires percevront une prime de 1250 euros par an. Au total, dans le collège, 14 enseignants sur 25 vont profiter de cette indemnité pour les différents projets notamment une classe pour décrocheurs, appelée "Classe déclic". Un volume d'heures supplémentaires est également accordé pour de l'aide aux devoirs, Jean-Baptiste Camy va coordonner l'équipe. Il a accueilli la mesure positivement mais il nuance : "Ça repose sur les enseignants", dit-il. "On n'est pas une grande équipe ici, dans ce collège rural et effectivement on ne peut pas se démultiplier, c'est une heure supplémentaire donc c'est sur du temps aussi personnel. On déplore peut être le manque de moyens humains".

Le collège Les Colliberts à Saint-Michel en L’Herm en Vendée a été retenu pour expérimenter un Contrat local d’accompagnement
Le collège Les Colliberts à Saint-Michel en L’Herm en Vendée a été retenu pour expérimenter un Contrat local d’accompagnement
© Radio France - Sonia Princet

Le dispositif REP, plus avantageux ?

Avec le contrat local d'accompagnement, que l'on appelle CLA (encore un nouveau sigle dans l'Education Nationale !), le collège ne bénéficie pas de professeurs ou de surveillants en plus, contrairement aux collèges REP, les réseaux d'éducation prioritaire, qui ont des personnels supplémentaires et une prime plus élevée de 1800 euros par an et par enseignant. Le dispositif REP est donc beaucoup plus avantageux pour les personnels et surtout il s'inscrit dans la durée et non pas seulement sur 3 ans. Bruno Logeais est secrétaire départemental du syndicat Snep-FSU de Vendée, et lui-même professeur dans un collège REP à Fontenay-le Comte.

"Vous avez un contrat 3 ans, donc en termes de perspectives, c'est quand même assez faible", regrette-t-il. "Donc je ne vois pas ce que ça va apporter de plus. C'est une expérimentation pour moi qui est vide. On est en train de diluer l'éducation prioritaire, de la détricoter. Une prime de 1800€ par an, cela permet de stabiliser aussi les équipes, c'est à dire que nous, on a une équipe qui est assez stable au collège Tiraqueau. Le réseau REP, c'était la seule politique nationale, qui bénéficiait aux élèves par rapport aux inégalités sociales".

"Le label REP nous ferait perdre des élèves"

Les établissements REP s'inquiètent de leur disparition au profit de ces nouveaux Contrats locaux d'accompagnement, un système moins coûteux pour l'Education nationale. Pour l'instant, le gouvernement reste flou et répond qu'une évaluation sera faite en décembre, que le dispositif pourra être élargi ou généralisé à la rentrée 2022.

Dans son bureau, le principal du collège Les Colliberts, Hervé Heughe et sa CPE Laurence Mathé y voient un avantage. "C'est bien pour les familles de ne pas stigmatiser", note Laurence Mathé, "alors s'il y a des moyens, tant mieux, autant faire des projets et appeler ça des contrats ! J'ai vécu ça en Seine-Saint-Denis, les ZEP étaient quand même cataloguées. Un contrat local d'accompagnement, c'est mieux qu'une zone !" Le principal ajoute : "Ici, je pense que le label REP nous ferait perdre des élèves. Les parents se tourneraient vers le privé."

Deux collèges seulement dans le département ont été retenus pour ce contrat ainsi que des écoles. Ils devront faire leurs preuves d'ici 3 ans.