Épisode 3 : Les déconnectés du numérique : un Français sur six victime d'illectronisme

C'est toujours la même galère pour Chantal Jacqueminet, 77 ans : "Je me suis acheté une tablette, mais c'est encore trop compliqué pour moi!" sourit-elle, installée à la table de son salon, l'appareil en main. "Je cherche à trouver Doctolib, pour prendre un rendez-vous, parce que maintenant quand on appelle le médecin, il faut souvent passer par Doctolib", explique-t-elle. "Souvent, je laisse tomber, je me déplace et je vais chercher un rendez-vous".

Car même si sa tablette est un appareil adapté aux non initiés, elle reconnait rencontrer des difficultés pour s'en servir. À Saint-Erme-Outre-et-Ramecourt, 2000 habitants, à une vingtaine de kilomètres de Laon, dans l'Aisne, Chantal n'est pas la seule à peiner pour se connecter à Internet.

"Je ne peux pas me permettre d'acheter un ordinateur"

Amandine Klein ne dispose, elle, que "d'un smartphone". "Je ne peux pas me permettre d'acheter un ordinateur", témoigne cette mère de deux enfants, au chômage "avec 1400 Euros par mois". "Là, c'est l'application Pôle Emploi : quand je dois transférer des documents, je ne peux pas le faire via mon smartphone parce qu'ils me disent que les documents sont pas lisibles", s'agace la jeune femme.

Pour résoudre ses problèmes d'inscription sur Internet, elle s'est tournée vers un lieu ressource qui aide de nombreux habitants de la communauté de communes de la "Champagne picarde" : le "Faitout connecté", où elle est devenue une habituée.

"Amandine fréquente vraiment régulièrement le 'Faitout' pour l'inscription à Pole Emploi, télécharger ses attestations", témoigne Sandrine Forjan, médiatrice socio numérique du lieu. "J'avoue que j'étais un peu perdue, car si on se trompe et qu'on transmet la mauvaise attestation, le dossier est recalé", sourit Amandine.

17% des Français touchés par l'illectronisme

Dans cette commune où La Poste est le seul service public, le "Faitout" est une petite ruche, où défilent les requêtes, auxquelles Sandrine cherche des solution. "J'ai besoin que tu me sauves", lâche Alice, la trentaine, à peine franchie la porte. Elle est venue refaire un CV, dont le format ne s'ouvre pas sur son ordinateur personnel.

Dans cette commune où les administrations sont éloignées (jusqu'à 150 kms pour une des caisses de retraite) les habitants viennent pour une inscription à Pôle Emploi, une demande de permis de conduire, un dossier de surendettement ou un message à la Caisse d'Allocations Familiales. Comme 17% des Français touchés par l'illectronisme, cet illettrisme numérique, les habitants du secteur sont nombreux à rencontrer des difficultés pour accéder à Internet. Soit qu'ils manquent d'équipement, soit de connaissances.

"Avant, l'administration faisait à leur place"

Alors inlassablement, Sandrine les y aide, et constate que les difficultés d'accès aux services publics, de plus en plus dématérialisés, sont nombreuses : "c'est la peur de se tromper car ils s'engagent avec une machine et ça fait peur. Avant, c'est vrai, c'est l'administration qui faisait à leur place et maintenant, on leur demande de faire les papiers administratifs, de réaliser en ligne sa carte d'identité, son permis, sa demande de retraite et tout ça, ça s'apprend".

Le "Faitout connecté" propose en effet des cours aux adultes pour mieux appréhender l'outil numérique. "Une personne vient pour sa déclaration CAF et on se rend compte que la difficulté, ce ne sont pas les papiers qu'elle devait faire, mais plutôt faire la démarche en ligne" témoigne ainsi Bruno Van Uytreck, animateur nouvelle technologie dans la structure et qui assure les ateliers. Il forme ainsi 250 personnes chaque année, plus autonomes face à des services publics dématérialisés.

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