

Comment préserver la mer Méditerranée, ce joyau soumis à de multiples pressions ? C'est l'objectif des réserves marines. Plongée au cœur de celle de Banyuls, dans les Pyrénées orientales, considérée comme un modèle.
Le gouvernement a un objectif : protéger 30 % des espaces maritimes français. Mais actuellement, 1 % seulement de la mer Méditerranée est placée sous protection. La réserve marine de Cerbère Banyuls fait office de modèle car la biodiversité y revient. La réserve a des effets très positifs, certains veulent donc l'agrandir. Mais ce n'est pas si simple.
Les effets positifs de la réserve
Des criques d'eau turquoise, une côte très escarpée, le cadre est idyllique. La réserve marine s'étire sur 7 kilomètres de Cerbère à Banyuls. Ici, "on suit les espèces et notamment une qui avait pratiquement disparu de nos côtes, le Mérou brun", explique Frédéric Cadène, le conservateur de la réserve marine. "Il ne restait qu'une cinquantaine d'individus dans les années 1980. Aujourd'hui, on en a 628."
Cette réserve existe depuis plus de quarante ans, elle est efficace, mais c'est un confetti en Méditerranée. Le département souhaite doubler sa surface, pour atteindre 13 kilomètres carrés, presque 2000 terrains de foot. Une protection nécessaire pour sauver ce paradis de la Côte Vermeille.
Allier protection de l'environnement et activités économiques
Un peu plus loin, la baie est surfréquentée. "Là, on est en face du cap d'Ullastrell, dans la baie de Paulilles", détaille Ronan Rivoal, agent technique. "C'est un milieu sensible car on a un des plus grands herbiers des Pyrénées-Orientales donc une biodiversité qui est très importante. C'est une des zones les plus riches avec la réserve actuelle aujourd'hui."
Ici, l'idée n'est pas de tout interdire mais de limiter certaines activités. Les plaisanciers devront par exemple s'accrocher à des bouées au lieu de jeter l'ancre dans les herbiers et la chasse sous-marine sera aménagée. La pêche de certains poissons pourra être interdite pendant les périodes de reproduction, mais les gestionnaires de la réserve restent prudents. "On est sur une zone très fréquentée par la pêche artisanale. Il faut leur permettre de continuer à travailler", souligne Ronan Rivoal. "On ne va pas créer des zones de protection où ils ne pourront pas pêcher, ce n'est pas possible. Il faut qu'on aménage ces zones de protection." Aujourd'hui, la pêche du poulpe est interdite dans la réserve mais "si extension, l'objectif n'est pas d'interdire cette pêche".

Et en effet, les pêcheurs ne voient pas d'un très bon œil de nouvelles restrictions, même s'ils admettent que la réserve a aussi des effets bénéfiques. "On est limités par rapport à la taille des navires et sur la quantité de matériel. Certains matériels sont interdits, comme la nasse, le palangre, le pot à poulpe. Et on est limités en nombre", rappelle l'un des pêcheurs, Manu Martinez. "Nous nous sommes mis des quottas pour pêcher le poulpe, pour pêcher l'oursin. Si on nous met une réglementation en plus, ce sera fini. Ce qu'on demande, c'est de pouvoir continuer à pêcher comme on le fait actuellement." Pour lui, le problème dans cette zone n'est pas la surpêche mais le nombre trop important de plaisanciers et de plongeurs. "Personne n'aimerait vivre à côté d'une autoroute et c'est ce qu'il se passe, je pense, avec toute la plongée, la navigation."
D'ailleurs, pendant la pandémie de Covid-19, Man Martinez voyait très souvent des dauphins, preuve que la nature reprend vite ses droits quand le calme est roi. Mais dans cette région très touristique, il faut concilier différents intérêts. Stéphane Hourdez, chercheur de la station biologique marine de Banyuls, en a bien conscience. Il étudie ces fonds coralligènes. "On ne va pas exploiter un environnement au point qu'il ne soit plus utilisable pour les générations futures donc étendre la réserve serait à mon avis une bonne idée pour la préservation de l'environnement", souligne-t-il. "Les aires marines protégées, ça peut arriver à 30%, tout en préservant le tissu socio-économique d'un lieu."

Les associations de défense de la nature militent également pour une réserve plus grande. Certaines réclament encore plus d'interdictions mais l'idée n'est pas d'attiser des tensions qui seraient encore plus nuisibles à la biodiversité. Dans une Grande bleue sous pression, les gestionnaires de la réserve doivent mener un travail d'orfèvre pour protéger un tant soit peu ce joyau très convoité.
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