

À Ramallah où siège l'Autorité Palestinienne, une visite au musée Yasser Arafat nous plonge dans une Histoire tourmentée. Avant de profiter d'un véritable havre de paix dans un restaurant-piscine arboré.
La première fois que je suis venu ici, c'était tout jeune reporter pigiste en décembre 2001 pendant la deuxième intifada. Les chars et les soldats israéliens encerclaient la mouqata, cette ancienne caserne britannique où Yasser Arafat avait ses bureaux et qui fut en grande partie détruite par les chars et les hélicoptères israéliens. Aujourd'hui, le bâtiment reconstruit et presque méconnaissable abrite les bureaux du président Mahmoud Abbas, le mausolée d'Arafat et son musée.

Dans le grand hall clair, le directeur du musée montre de part et d'autre une fresque où sont dessinés les grands noms de l'Histoire palestinienne et de belles photos en noir et blanc de Palestiniens anonymes. "Ce musée s'appelle Yasser Arafat mais en réalité il s'agit de l'Histoire d'une homme et de l'Histoire d'un peuple. Il présente une narration palestinienne, une perspective palestinienne des cent dernières années" précise Mohamed Halaika.

Dans un long couloir tamisé on chemine dans l'Histoire de la région : la fin de l'empire Ottoman après la Première guerre mondiale, la Palestine britannique, les guerres israélo-arabes, l'occupation israélienne et la montée en puissance de l'OLP de Yasser Arafat. Notre guide nous présente et commente longuement une série de vitrines avec des textes, des photos, des vidéos et des objets. Il tient tout particulièrement à raconter celle-ci : "En 1974, Yasser Arafat est invité à parler devant les Nations Unies. Pour la première fois un représentant palestinien s'adressait au monde entier. Ca a vraiment été une bascule ! Les Palestiniens avaient des droits politiques !"

La scénographie, la mise en place et le souci de pédagogie ont été soignés. Les textes sont en plusieurs langues et les mots soigneusement choisis. "C'est absolument étayé par des documents et des faits historiques. Ces événements sont présentés ici pour tout le monde, pas simplement pour les Palestiniens, il n'y a pas d'informations sans photos ou sans références. Il n'y aucune forme de propagande" insiste le directeur. Se succèdent la Première intifada, les accords d'Oslo, l'assassinat d'Yitzhak Rabin puis on entre littéralement dans la deuxième intifada.

Après un passage dans le bureau présidentiel d'Arafat avec tous les objets et équipements d'époque où il recevait les grands de ce monde, nous descendons dans les sous-sols spartiates et étroits de la mouqata où Arafat a vécu assiégé pendant trois ans. Son bureau retranché, son secrétariat, la petite cuisine, la chambre des gardes avec leurs couchettes, leurs kalachnikovs, leurs chaussettes et leurs rangers... La visite s'achève dans la minuscule chambre d'Arafat, sans fenêtre et avec un petit lit une place. Dans une armoire, on trouve impeccablement repassés : "Il vivait comme un moine. Ici tout est resté en l'état comme quand il vivait" murmure Mohamed Halaika visiblement ému.

À cinq minutes en voiture de là, en passant par la rue Jacques Chirac, nous découvrons un tout autre visage de Ramallah. Loin des embouteillages et des rues à la foule dense, un restaurant en plein air est niché dans un vallon parsemé d'arbres. Nous voici au Snow Bar où nous attend le patron Amin Maarouf, 67 ans. Lunettes rondes et catogan, il est vêtu d'une chemise bariolée et porte une montre à chaque poignet et des bagues presque à chaque doigt.

Enfoncé dans un canapé confortable sur la terrasse en teck, dans la quiétude et la fraîcheur des pins, cet ancien fleuriste raconte comment il a repris le projet de son père, un Palestinien expatrié au Liban puis rentré au pays : "Son rêve était de créer un petit Liban ici à Ramallah. Donc il est revenu avec les graines des pins et il a planté chaque arbre ici. Mais malheureusement, la guerre a éclaté en 1967 et tout est resté en plan jusqu'à 1994 quand l'Autorité Palestinienne a été installée. Alors, j'ai eu la possibilité de réaliser son rêve." Avant de mourir, son père a eu la joie de découvrir l'endroit de toute beauté, mélange de paradis baba cool et de paillotte de plage avec une immense piscine turquoise. On y mange bien, les jus de fruits sont bien frais et l'alcool coule à flots même pendant le ramadan. Amin Maarouf voit son restaurant comme "une bulle".
On devrait laisser la politique de côté, tout ce conflit, les combats, les tueries.
La vie est trop courte ! On a différentes nationalités qui viennent ici. Pendant la seconde intifada, le Snow Bar fonctionnait, les gens appelaient des ambulances pour les conduire au Snow Bar ! Ils voulaient vivre ! Les soldats israéliens le savaient mais il n'en ont rien dit..." raconte-t-il dans un grand éclat de rire de fumeur invétéré.

Au Snow Bar, les enceintes ne diffusent que la musique du patron rockeur : "Pas de techno, pas de House" tient-il à préciser soudain très sérieusement avant d'énumérer ses artistes préférés : "Led Zeppelin, Aerosmith, Beatles, Grateful Dead, Deep Purple, Jimi Hendrix !" Amin Maarouf choisit un morceau approprié au lieu et à l'état d'esprit : Stairway to heaven de Led Zeppelin. Un ascenseur pour le paradis pour oublier quelques minutes l'Histoire tourmentée de la Palestine.
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