Assez de ces dizaines de mails qui polluent votre quotidien au boulot ? De grandes sociétés proposent à leurs salariés de se déconnecter, quelques heures ou totalement
C'est la mode en ce moment, de grandes sociétés proposent à leurs salariés de se déconnecter! En 2011, Atos la première avait fait part de son intention d'éradiquer totalement les courriels. Depuis, d'autres entreprises tentent de s'y mettre. Quelques heures ou totalement.
Chez Priceminister, une mesure symbolique a été mise en place depuis un an et demi. Ici les 200 salariés doivent respecter un vendredi matin par mois où l'envoi du moindre mail est interdit. Chacun est averti en début de semaine. Comment ? Question piège.
Cédric Dufour, directeur général chez Priceminister :
"Ils sont prévenus par mail, là c’est une bonne utilisation du mail… et on rappelle les règles : pas de mail de 9h à midi et demi. Donc le vendredi, à partir de 9 h, on arrête les mails. Et étonnement, peut-être, ce n'est pas forcément très compliqué. Ça se passe comme avant, les gens s’appellent et se déplacent et ça marche très bien."
Ça marche très bien, à tel point que depuis la mise en place de ce système, il y a un an et demi, les employés ont réussi à réduire leurs consommations de mails, devenus à force "un véritable poison au travail" pour Alexia Lefeuvre, chargée de communication chez Priceminister.
"On est très souvent coupé par les emails avec la tentation de répondre immédiatement, c’est une source de stress de se dire qu’on devra attendre l’après-midi pour répondre. Pourtant quand on ne répond pas immédiatement, on voit que ça pouvait attendre."
Tiffany est commerciale. Elle reçoit, dit-elle, une bonne centaine de mails chaque jour, parfois sans intérêts. Elle en envoyait aussi beaucoup. Si elle estime avoir été surprise par l'idée au début. Elle doit bien dire que ces « mail-less Friday », ces vendredis de déconnexion, lui ont permis de revoir un peu sa façon de travailler.
"C’est tellement plus simple et rapide de téléphoner que d’envoyer un mail, pourtant on n‘y pense pas. Prendre rendez-vous avec un client ça fait « perdre » une demi-journée dans la tête de beaucoup de gens. Pourtant la demi-journée qu’on va passer avec le client vaut 10 ou 15 emails."
Les salariés auraient donc réussi à se désintoxiquer ?
Oui sauf que lorsqu'on creuse un peu, la réponse est : « pas vraiment ». Tiffany le reconnaît : avant qu'elle ne lâche ses mails entièrement, il y a encore du boulot. Au grand dam de son entourage.
"C’est vrai qu’avec les smartphones ont est connecté tout le temps. Je suis avec mes amis et j’ouvre les mails du travail et je regarde les chiffres à 21h, ce qui les exaspère. Il faut arriver à ne pas installer l’application de mails sur son téléphone ce que je n’ai pas fait et ce qui n’est pas évident."
Car c'est bien là, la difficulté. On peut vouloir se déconnecter. Sans le pouvoir pour autant. Surtout lorsqu'on occupe un poste à responsabilités. Dans ce cas-là, il faut - malgré tout - savoir se faire violence pour Yannick Chatelain, enseignant chercheur à l'école de management de Grenoble et auteur d'un livre sur ces mails qui nous gâchent l'existence.
Yannick Chatelain
"Aujourd’hui il y a une pression sociale de la connexion. Si la personne dans certains secteurs d’activité n'a rien d'autre à faire le samedi et le dimanche, un temps prévu pour le repose, qu’à prévoir du travail le lundi pour l’ensemble de ses collaborateurs ça pose un problème."
Un problème qui poursuit certains jusque dans leur intimité
Pour notre expert, ne pas savoir décrocher, c'est aussi parfois mettre son couple en péril.
Yannick Chatelain
"Regardez le nombre de gens qui consultent leurs smartphones dans le lit. Faut voir les statistiques, elles sont affolantes. C’est moins dangereux que la cigarette mais ce n’est pas très bon pour la libido."
Que ceux qui craignent pour leur libido se rassurent toutefois. La loi travail, celle qui est tant décriée, prévoit un article sur le droit à la déconnexion. Mise en œuvre programmée pour 2017.
D'ici là, auto-régulez-vous, profitez des vacances. Ce serait quand même dommage de laisser les mails du boulot gâcher vos congés.
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