

La fête n’est plus pareille à Berlin : capitale européenne de la techno, connue pour ses nuits débridées, la ville, face au coronavirus, a dû fermer tous ses clubs. Au temps du Covid-19, la fête s'est donc réinventée.
Le monde fabuleux de la fête à Berlin n'est plus. Rien n’est plus pareil depuis le début de la pandémie. Beaucoup de gens dépriment. Sans les clubs, sans la fête, ils ont perdu des lieux de socialisation, des lieux sûrs, des endroits de transgression, des espaces qui servent aussi à oublier, parfois, la vie réelle.
Toute une économie en berne
Ce sont aussi des gens qui ont perdu leur emploi. Toute une économie s’est arrêtée, celle qui rapporte 1 milliard et demi d’euros par an à la ville : le beat techno fait de Berlin la troisième capitale européenne la plus visitée en Europe. Même avec le virus, ce rythme ne s’est jamais complètement arrêté. James Doyle, artiste et comédien, gère aussi un petit club "Kake" :
"Berlin est rempli de gens très sociables. C’est pas vraiment leur truc de rester à la maison et de ne voir personne ! Alors dès le début de l’été, ils sont sortis pour faire la fête comme ils ont pu, sans vraiment respecter les règles sanitaires".

"Les gens ont rapidement envahi les parcs pour y danser", raconte James Doyle, "et puis petit à petit quelques événements officiels ont commencé à s’organiser, mais uniquement en plein air. Et un club légendaire comme le Berghain s’est transformé en Biergarten. De toute façon, c’était ça ou mourir ! Les clubs ont fait de leur mieux en respectant les règles du gouvernement, il a fallu être créatif, parce qu’il faut bien payer le loyer, les employés."
"Dans un sens, on peut comprendre que les clubs soient considérés comme des endroits à haut risque pour la transmission de l’épidémie, mais d’un autre côté, l’ironie, c’est qu’on peut toujours prendre l’avion alors qu’il est interdit de s’asseoir dans un théâtre. Quelle est la différence ?!"
La joie de vivre de James Doyle cacherait presque sa colère et sa frustration partagées par beaucoup d’autres acteurs de la nuit berlinoise, comme Geovane Pedro de Bortoli : "Frustration, pour plein de gens, pour des tas d’artistes, des musiciens qui se retrouvent sans rien faire, avec plus rien pour s’occuper l’esprit. Dans ce moment de crise, tout le monde était un peu perdu". Le son de sa voix trahit ses excès. Geovane Pedro de Bortoli est arrivé du Brésil il y a 10 ans. Il a créé ici un collectif "TrashEra" ("L'ère du déchet"). Un groupe de fêtards inconditionnels, mais aussi très professionnels quand il s’agit de faire danser les gens.

Ce jour-là, il est stressé. Six mois qu'il n'a pas organisé de fête. "Je suis nerveux comme si c’était la première fois que je faisais ça" lâche-t-il. C'est sa première fête au temps du Covid en tant qu’organisateur.
Il est à l’accueil du club ELSE. Les fêtards qui arrivent ne sont plus anonymes. Il faut s’inscrire et payer à l’avance, laisser ses coordonnées au cas où il y aurait une personne positive au coronavirus. Geovane leur demande de surtout bien porter le masque.
"C’est clair qu’on ne peut plus avoir les fêtes qu’on avait à Berlin avant. On n’a plus la même liberté ! Donc forcément il n’y a plus de sexe à droite, à gauche. On ne peut plus se balader tout nu… Enfin si ! vous pouvez, mais bon il faut porter un masque tout en dansant, enfin ce n’est pas comme ça qu’on fait la fête ici… Le monde a changé, la fête a changé… et on n’a aucune garantie quant à ce qui nous attend cet hiver".
C’est le grand point d’interrogation. Le froid et le mauvais temps ne faciliteront pas les fêtes en plein air. L’acteur et producteur Anali Goldberg est un visage bien connu de la scène berlinoise :

"_Je pense que les gens doivent suivre les règles qu’impose le gouvernement et prendre soin les uns des autres le plus possible. Après est-ce qu’il sera possible de faire la fête à l’intérieur ? Je n’en sais rien. Si ce n’est pas possible et bien, allez méditer, lisez plus de livres, produisez de la musique, il y a plein d’autres choses à faire que la fête ! Et je suis certain qu’on sortira un jour de cette pandémie. Et comment ? ça dépend beaucoup des gen_s". Et la conclusion de cet artiste berlinois paraît évidente :
"On a su aller sur la lune et on ne sortira pas de cette pandémie en dansant"!
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