Plusieurs parlementaires français ont visité une "prison ouverte" au Danemark, avec pour objectif d'importer en France le débat sur ce nouveau type de détention.
En France, alors que la création de 15.000 nouvelles places de prison a été annoncée, certains députés espèrent peser dans le débat. Ils sont six députés de la commission des lois de l’assemblée nationale [Caroline Abadie, Stéphane Mazars, Pierre Morel-À-L'Huissier, Naïma Moutchou, Laurence Vichnievsky, avec leur présidente Yaël Braun-Pivet (LREM)], à s'être rendus au Danemark pour en étudier le système pénitentiaire. Le pays nordique a en effet l'un des plus faibles taux d'incarcération au monde (61 détenus pour 100.000 habitants). Un tiers des détenus sont en "prison ouverte", comme à à Horserød, au nord de Copenhague.
Pas de murs ni de miradors
Derrière un grillage, une dizaine de bâtiments en bois rouge, construits de plain-pied, abritent 220 détenus, tous condamnés, principalement à des courtes peines. Cinq condamnés pour homicide purgent aussi leur fin de peine. Ici, pas de grands murs, ni de miradors.
Lene Møller-Nielsen, la directrice, détaille la journée type d'un détenu : "Vous êtes enfermés dans votre cellule de 21h à 7h du matin. Tous les jours à 8h, vous devez vous rendre au travail, en cours ou suivre un programme, un traitement. Ensuite, à partir de 15h c’est temps libre. Les détenus se font eux-même à manger, ils font leur lessive... C'est aussi le moment où ils peuvent faire du sport".
Dans la journée, les détenus ont un accès limité à internet, et au téléphone le soir dans leurs cellules. Pendant leur temps libre, ils peuvent aussi aller à l'église, à la salle de prière musulmane, à la bibliothèque... Le week-end, les familles peuvent passer la journée entière avec les détenus. Une grande aire de jeux est prévue pour les enfants.
Parler pour apaiser les tensions
Dans chaque unité, les détenus préparent leur repas dans une cuisine commune. Détail surprenant : il y a de grands couteaux... attachés avec un câble d'acier. Michaël Pieregaard, responsable de la sécurité, s'amuse de notre étonnement. Comme tous les surveillants, il porte à la ceinture un simple téléphone, avec une touche d'alarme.
Si vous pressez ce bouton, tous les surveillants arrivent. En 23 ans, je ne l’ai jamais pressé
"C’est très facile de déclencher un conflit avec un détenu. Je peux le faire en 10 secondes. C’est bien plus difficile d’empêcher le conflit d’éclater. Et c’est ce qu’on fait : on parle, pour apaiser les tensions".
Pas d’œilletons sur les portes des cellules (mais des caméras dans les couloirs et les espaces publics), pas de barreaux aux fenêtres, une sécurité très allégée... et peu de violences. A Horserød, 12 incidents ont été enregistrés l'an dernier, des menaces verbales envers les surveillants. Ici, on voit des sourires sur les visages des gardiens comme des détenus. Tout repose sur la responsabilisation : les activités sont obligatoires, tout comme le ménage, dans la cellule et les parties communes. Pour ceux qui enfreignent les règles, il y a 5 cellules disciplinaires bien plus spartiates : "Là, ça ressemble à nos prisons!", s'exclame un député.
Le problème le plus endémique est celui de la drogue : la directrice de la prison estime que 70% des détenus en consomment. Des saisies ont régulièrement lieu dans les cellules, principalement du cannabis. Mais là aussi, la direction parie plus sur l'adhésion des détenus à des programmes de désintoxication que sur le seul aspect sécuritaire.
Le modèle danois est-il exportable ?
Il n'existe que deux prisons sur ce modèle en France, à Casabianda en Corse, et à Mauzac en Dordogne, pour des condamnés à de longues peines. C'est donc un mode de détention totalement marginal : quelques centaines de détenus, sur 70.000. Au Danemark, les 8 prisons ouvertes du pays accueillent un tiers des 3 600 détenus danois. C'est le mode naturel d'exécution des courtes peines (inférieures à 5 ans de prison). En cas d'incident (tentative d'évasion...) le détenu est transféré en prison fermée : de quoi réfléchir avant de se faire la belle.
Cette souplesse dans la gestion de la détention est possible parce qu'il n'y a pas de surpopulation carcérale au Danemark. Thorkild Fogde est le directeur général des prisons et des services de probation :
"On tente de maintenir le taux d'occupation de nos prisons à 96%. Chaque année, notre département statistique essaie de calculer combien d'années de prison vont "sortir" du parlement. Nous disons aux élus : si vous voulez augmenter les peines pour ce type de crime, il faut prévoir, disons, 50 cellules de plus".
Nous essayons de garder un faible nombre de détenus, parce cela coûte cher, en termes économiques mais aussi humains, d'avoir des gens en prison
La France, avec ses maisons d'arrêt surpeuplées, semble à des années-lumière du Danemark. Peut-on tout de même s'en inspirer? Les prisons ouvertes coûtent moins cher à construire et à faire fonctionner, et génèrent moins de récidive, en favorisant la réinsertion. La commission des lois, qui rendra son rapport sur le sujet à la mi-mars, espère ouvrir le débat.
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