Le bilan de la guerre civile dans l’Est de l’Ukraine, depuis avril 2014, est de 6.500 morts. Au printemps de l’année dernière, il n’a pas fallu longtemps pour passer de la contestation politique, à la violence. Très vite, les premiers combats allaient déclencher un exode plutôt atypique. Les russophones avaient peur qu’on leur interdise de parler leur langue maternelle. __
Il faut dire que leur exode vers la Russie est effectivement un phénomène atypique qui n’a rien de commun, par exemple, avec les refugiés de Syrie, ou d’Irak. N’oublions pas qu’ici tout se passe en famille, la grande famille ex-soviétique dans laquelle tout le monde parle russe.
Et puis, autre caractéristique de cet exode : il n’est pas exclusivement provoqué par la guerre et les combats. Il y a, bien sûr, des malheureux qui fuient la violence et la destruction.Mais les départs d’Ukraine sont aussi la conséquence d’une formidable campagne de propagande diffusée par les chaines de télé russes. Elle est destinée à déconsidérer le nouveau pouvoir à Kiev.
Voici l’exemple de Roman . Il est arrivé en Russie il y a 5 mois. Il a 39 ans, marié et papa d’un petit garçon. Il était agent d’assurance dans une ville voisine de Donetsk. Sa maison est désormais sur le front, et elle est sous le contrôle de l’armée ukrainienne. Sa plus grande crainte était d’être mobilisé dans cette armée. Un beau matin, il a pris le bus jusqu’à la frontière, puis un copain l’a récupéré à Koursk, en Russie, et le voici à Moscou. Il a d’abord découvert que la communauté ukrainienne n’y est pas toujours très sympathique, en revanche, lorsqu'on lui demande comment les Russes se comportent avec lui, voilà ce qu’il repond :
Parfaitement. Nous venons du territoire de l’Opération Antitrerroriste Ukrainienne. Mais les autres Ukrainiens ici, on les accueille disons avec des préjugés. Ceux des régions pro-Kiev, sont nos ennemis. En plus les gens pensent que c’est l’Ukraine qui a provoqué les sanctions. Et dès qu’on entend que tu es un cul-terreux de là-bas, ca va pas.
Nous ne sommes pas des cul-terreux ukrainiens. J’ai voté pour la République autoproclamée de Donetsk, et ma femme aussi. Si on me demande d’où je viens, je dis de la DNR. Nous ne sommes pas d’Ukraine, même si notre passeport est ukrainien. Il n’y a pas de retour possible. Si nous rentrons, ce sera que notre région est devenue russe.
Sa femme Katia , l’a rejoint à Moscou. Ils vivent dans une chambre au-dessus d’une manufacture d’équipements électriques, dans la banlieue. On est loin du métro. On y arrive par une route défoncée. En échange de ce logement, Roman et Katia font le ménage et des petits boulots de bricolage.
C’est compliqué. On a tout abandonné là-bas. Je ne sais pas quoi faire avec mon fils. Il devrait aller à l’école. Je suis inquiète.
Nous cherchons du travail. On nous convoque à un entretien, mais dès qu’on sait qu’on n’a pas de papiers en règle, ca ne marche plus.
On a une chambre. Et tous les jours, c’est comme ça. On se réveille, on mange, on cherche du travail.
On a laissé notre maison, nos parents là-bas. Le potager, les poulets, les lapins, enfin…tout !
Bien sûr, il existe le FMS, le Service Fédéral d’immigration. Il y aussi des ONG. Mais pour agir, encore faut-il connaître le nombre exact de refugiés !
Aujourd’hui, on en est loin selon le patron du HCR (Haut commissariat aux réfugiés) en Russie, Bayisa Wakwoya .
Le nombre d’Ukrainiens qui sont venus en Russie à la suite du conflit est de plus d’un million. Entre l’Ukraine et la Russie, il n’y a pas vraiment de frontière. Les gens vont et viennent. Ils bénéficient d’un régime sans visa. Et ils penvent entrer et sortir du pays dans la même journée. Donc on ne peut avoir qu’un chiffre brut sur le mouvement à travers la frontière. Dans toute la Russie de Belgorod, à Sakhaline, nous n’avons que 22 000 personnes refugiées officiellement. Les autres s’installent chez des amis, ou ont de la famille… Et parce qu’ils sont des russes ethniques, ils parlent la même langue, ils appartiennent au même peuple. Ils se mélangent facilement.
Dans le Dombass, l'exode n'a pas cessé, mais il est devenu variable. Et les réfugiés sont beaucoup moins nombreux depuis la signature des accords de Minsk 2, le 12 février dernier. Les accrocs au cessez le feu sont quotidiens, mais les combats n’ont plus la même intensité.
Dire cependant que la situation s’est apaisée serait faux. La ville de Donetsk qui comptait un million d’habitants, n’en a plus que 4 ou 500 000. La région des deux Oblast (deux régions) de Donetsk et de Loughansk, très industrialisée et très urbanisée, qui comptait sept millions d’habitants, en a aussi perdu un très grand nombre.
Mais avant-hier encore, des obus sont tombés en plein centre de Donetsk. Il y a eu trois morts dans la journée.
De quoi hésiter à rester ou à revenir.