Il y a 40 ans, en 1978, démarraient en France les premières actions spécifiques en direction de l'habitat dans les quartiers de grands ensembles construits dans les années 60. France Inter vous invite toute cette semaine à la rencontre de trois générations d'habitants de quartiers populaires. Episode 1 : Les Mureaux.
Alors que le bilan de la politique de la ville fait aujourd'hui débat, France Inter vous propose cette série de reportages pour comprendre comment les conditions de vie des habitants des quartiers populaires ont - ou pas- changé ces dernières décennies. Aux Mureaux, dans les Yvelines, les habitants connaîtront d'ici deux ans une deuxième phase de rénovation urbaine.
Un âge d'or et une chute
Pierrot aujourd'hui à la retraite est l'un des plus anciens de la Cité des musiciens. Les Mureaux? Il y est né, en 1955. Il a vu les immeubles sortir de terre "au milieu de la campagne et des espaces verts". "Le grand luxe pour des habitants qui habitaient dans des bungalows en bois et qu'il fallait absolument reloger dans les années 60. On avait de grandes baignoires, des salons immenses. C'était hallucinant. Et puis l'ambiance était géniale. On faisait des grands repas tous en ensemble au pied des immeubles, dit-il, mais on connaît la suite..."
Après les gens sont partis acheter une maison, et on a mis ici beaucoup de personnes en difficulté. Les immeubles se sont délabrés. Bizarre de se dire que cette tour va partir en fumée.
La tour de 14 étages de Pierrot sera bientôt détruite. Si les plus anciens sont un peu déboussolés par les travaux de rénovations qui s'annoncent. D'autres au contraire s'impatientent. Au détour d'une rue, un petit groupe d'habitants interpelle spontanément le représentant local du bailleur social, un peu désemparé : "Mettez-vous à notre place! Il y a des cafards. Les immeubles sont dans un état lamentable. Cela fait des années que la rénovation est annoncée mais on n'en voit pas la couleur"
Programme de réhabilitation à l'arrêt
Il faut dire que le programme de démolition et de réhabilitation, l'ANRU, est à l'arrêt depuis des années, soupire Aïda, 49 ans. A l'arrêt après un premier grand chantier, certes, mais qui n'a concerné que les espaces extérieurs, sur cette partie de la ville, la plus proche de l'autoroute.
Lorsque vous vivez dans un immeuble où l'ascenseur ne marche pas, où la peinture est défraîchie, ça peut rendre un peu fou. Mais il faut tout de même avouer que les choses se sont améliorées en dix ans.
En une décennie, explique cette ancienne assistante maternelle et auxilliaire de vie, la sécurité s'est renforcée : plus de peur de voir sa voiture brûlée pour les habitants. L'éclairage public a été réparé. Il y a des espaces sécurisés pour les enfants dehors. Fini les rues étroites où il était difficile de circuler la nuit : "On va pas dire que la vie est rose aux musiciens. Mais ça va beaucoup beaucoup mieux ! "
En direction de l'autoroute A13, à deux pas des grands ensembles, un chemin serpente le long d'un étang. De là où nous emmène Cala, la petite trentaine, on peut apercevoir, à la fois toute la cité, et le centre-ville des Mureaux où il espère bientôt déménager. Pour plus de confort.
Moi je suis épanoui professionnellement. Je ne renie pas d'où je viens. Je suis attaché à mon quartier. Mais il n'a pas changé assez vite. La structure du quartier a évolué. Mais pas les logements. Alors même si c'est dur, il faut savoir partir...
Le jeune homme n'a pas eu un parcours tout tracé. Après avoir travaillé dans l'armée, il est aujourd'hui cadre dans une grande entreprise, en charge de la sécurité de nombreux sites à travers la France. Cala espère quitter la cité d'ici quelques mois. Le temps de trouver le bon appartement et de dire au revoir à ses parents et ses amis qui pour certains, malgré leurs difficultés, ne s'imaginent pour rien au monde vivre ailleurs qu'aux Musiciens.