Après la démonstration de force ce week-end des anti-indépendantistes, quelle sera la réaction des séparatistes catalans ? Et qu'en pensent les Madrilènes ?
Une Madrid contre l'indépendance...
Un moment historique s’est joué samedi à Madrid : chants traditionnels à la gloire de l’Espagne, des dizaines et dizaines de milliers de drapeaux du pays… Ici, c’est rare et choquant pour la majorité des Madrilènes car hors célébration footballistique, toute référence à l’unité de l’Espagne renvoie aux Patriotes néo-franquistes et phalangistes. Une erreur, pour César : "Brandir le drapeau de l’Espagne, pour eux, c’est être facho… C’est de la manipulation de la gauche !"
Il en veut d'ailleurs aux dirigeants de ces 40 dernières années qui ont permis une autonomie toujours plus grande de la Catalogne : "La solution est d’enlever aux régions leur compétence en matière d’éducation, pour qu’ils arrêtent d’endoctriner les enfants et les jeunes, car ça va être la ruine de l’Espagne"
"Les putschistes en prison", lancent des manifestants, qui demandent l’arrestation du dirigeant séparatiste Puigdemont. Le rassemblement est aussi un avertissement pour le PP, parti du chef du gouvernement espagnol, dit Juan Antonio. Lui est partisan de la manière forte : le retrait du statut d’autonomie : "La Catalogne n’appartient pas aux Catalans mais aux Espagnols. Ce qu’ils font, c’est un vol et le gouvernement espagnol est complice en les laissant voter sans rien faire ni doter la police de moyens suffisants. Moi j’étais du PP de Rajoy, maintenant je vote Ciudadanos, ils sont plus équilibrés que ceux qui nous représentent actuellement."
L’enjeu est grand pour la droite majoritaire, d’où le discours de fermeté de Rajoy dans le journal El Pais dimanche.
...et une Madrid pour le dialogue
Les avis ne sont pas forcément les mêmes partout dans la capitale, loin de là. D'ailleurs, 200 mètres plus loin, on est dans une autre Madrid : celle de milliers de personnes habillées de blanc, qui ont répondu à un appel sur les réseaux sociaux. "Hablemos, Parlem", "Il faut qu’on parle", c'est ce qui a fait venir Imaculada et Ramon. Ce dernier explique : "Je n’ai pas confiance en les politiques mais c’est un cri d’urgence. Je ne suis pas pour l’indépendance mais je pense que nous pouvons faire en sorte que les Catalans aient un sentiment d’appartenance à l’Espagne un peu plus grand plutôt que de se sentir oubliés, méprisés."
Un avertissement aux hommes politiques, car la défiance est grande envers eux. Beaucoup considèrent qu’ils ont laissé pourrir la situation pour occulter aussi les affaires de corruption, et craignent une montée des positions extrémistes.
Opposée à la manière forte, cette société civile cherche aussi des solutions. Ce sont des amis qui ont lancé cette initiative citoyenne en blanc dont Guillermo, jeune chercheur à l’université de Madrid… Il ne s’attendait pas à un tel succès. "Ce qui s’est passé ici, a créé une ambiance très toxique, très fermée, très radicale", regrette-t-il. "C’est pour ça qu’on a invité les gens à descendre dans la rue, et quand on voit leur nombre, on peut se dire que les choses peuvent s’améliorer… Peut-être qu’une médiation internationale est la solution, ou peut-être tout simplement que les politiques fassent leur travail et s’assoient ensemble pour faire, ce qu’ils auraient dû faire il y a des mois et des années."
C’est ça qu’on leur demande, qu’ils prennent de la hauteur et qu’ils n’agissent plus à des fins électoralistes.
Se parler, négocier, plutôt que gérer la crise par voie policière ou judiciaire : les Madrilènes demandent surtout un respect de la légalité. Almodena est avocate et travaille souvent à la Audiencia Nacional, le tribunal qui poursuit pour sédition le chef de la police catalane. Elle plaide pour un changement de Constitution : "Notre Constitution n’est pas inamovible, mais nos dirigeants politiques sont loin d’être assez courageux pour ordonner cette réforme constitutionnelle. Ça voudrait dire que nous tous, Espagnols voterions pour donner le droit aux Catalans de se prononcer ensuite sur leur indépendance. Et je crois que les séparatistes catalans ont peur que les Espagnols votent non."
À Madrid, on attend cette semaine avec appréhension, persuadé que le rapport de force a un peu changé depuis la manifestation des anti-indépendantistes à Barcelone.
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