Maisons fissurées par les sécheresses : enfin une réforme du régime des catastrophes naturelles

De plus en plus de maisons construites sur des sols argileux sont fissurées par les sécheresses à répétition
De plus en plus de maisons construites sur des sols argileux sont fissurées par les sécheresses à répétition ©Maxppp - Pierre HECKLER
De plus en plus de maisons construites sur des sols argileux sont fissurées par les sécheresses à répétition ©Maxppp - Pierre HECKLER
De plus en plus de maisons construites sur des sols argileux sont fissurées par les sécheresses à répétition ©Maxppp - Pierre HECKLER
Publicité

L'Assemblée nationale examine cette semaine une réforme du régime des catastrophes naturelles jugé inadapté. Un espoir pour des milliers de propriétaires de maisons fissurées par les sécheresses à répétition qui n'arrivent pas à obtenir des indemnisations.

Dans le village de Cappelle-en-Pévèle dans le département du Nord, la maison de rêve de Nicole Fobert est devenue un cauchemar. Les premières fissures sont apparues sur la façade en brique après la sécheresse 2017. Depuis, chaque été, la situation s'aggrave. Aujourd'hui les murs du salon sont lézardés, la baie vitrée donnant sur le jardin ne s'ouvre plus, le plafond menace de s'effondrer. Si bien que Nicole et son mari n'osent plus venir dans cette partie de la maison. "Tout a complètement craqué parce que la maison a bougé" explique la propriétaire de cette ancienne ferme centenaire, entièrement rénovée : "Cette maison c'était un beau projet d'avenir avec nos enfants sauf qu'aujourd'hui elle ne vaut plus rien, on ne s'y sent plus bien et surtout on a l'impression de n'être entendu par personne".

Impossible d'effectuer des travaux et faire jouer l'assurance tant que la commune n'est pas déclarée en état de catastrophe naturelle. "En attendant, mon fils qui est couvreur a mis quelques planches au plafond pour éviter que le placo nous tombe dessus", soupire la quinquagénaire au bord des larmes.

Publicité
Le plafond du salon de la maison de Nicole Fobert, à Cappelle-en-Pévèle (Nord) tient grâce à des planches
Le plafond du salon de la maison de Nicole Fobert, à Cappelle-en-Pévèle (Nord) tient grâce à des planches
© Radio France - Sandy Dauphin

De plus en plus de maisons construites sur des sols argileux sont fissurées par les sécheresses à répétition

Des maisons fissurées comme celle de Nicole et de son mari, il y a en a entre 3 000 et 4 000 dans le département du Nord d'après l'estimation de l'association de sinistrés Cat' Nat' Hauts-de-France présidée par Thierry Paris. Ce dernier habite à quelques kilomètres, dans la commune de Wannehain : "Les maisons sur notre territoire sont construites sur des sols argileux. En période de sécheresse ces sols se rétractent et finissent par déformer les fondations. Depuis 5 ou 6 ans, ça s'est considérablement accéléré avec le phénomène de changement climatique". Le département du Nord n'est pas une exception. D'après l'association Cat' Nat' entre 3 000 et 4 000 maisons sont concernées dans le département du Nord. Beaucoup plus à l'échelle nationale. Aujourd'hui, 4 millions de maisons sont potentiellement concernées par ce phénomène "de retrait-gonflement des argiles" estime le Ministère de la transition écologique.

Mais pas facile de faire reconnaître une commune touchée par une sécheresse en état de catastrophe naturelle. La procédure est jugée longue et opaque. Et les délais pour effectuer les démarches sont inadaptés explique Thierry Paris : "La sécheresse  est un phénomène  extrêmement lent et vicieux. Contrairement à une inondation ou à un tremblement de terre où les effets visuels sont immédiats, les dégâts causés par une sécheresse peuvent apparaître plusieurs mois, voir plusieurs années après. Mais c'est trop tard pour les déclarer, vous n'avez plus aucun recours". Autre critique, les critères, très techniques, pris en compte pour évaluer les dossiers sont contestés. Pour décider de classer une commune en état de catastrophe naturelle, l'État doit connaitre l’humidité des sols superficiels. C'est Météo France qui fournit ces données. Mais souligne le président de l'association Cat' Nat' Thierry Paris  : "Météo France utilise des estimations. Personne n'est venu faire de relevés sur l'état du sol chez moi, car Météo France n'a pas les moyens d'effectuer ces mesures partout". 

L'incompréhension des sinistrés est d'autant plus grande que la commission interministérielle, chargée de décider du classement ou non d'une commune, n'est pas, jusqu'à présent, obligée de motiver sa décision en cas de refus. 

Régime Cat' Nat" : un besoin urgent de réforme 

Message entendu, affirme la députée Modem du Pas-de-Calais, Marguerite Deprez-Audebert, qui présente la proposition de loi visant à réformer le régime d'indemnisations des catastrophes naturelles : "la loi n'avait pas bougé depuis 1982 donc il fallait la faire évoluer. On s'est rendu compte que les procédures n'étaient pas transparentes, qu'il fallait faciliter les démarches car c'était très compliqué. les élus étaient un peu dans le brouillard". Des déficiences déjà constatées dans un rapport du Sénat de 2019 qui préconisait une réforme urgente car "d'ici 2050, le montant des sinistres liés aux catastrophes naturelles va augmenter de 50%, à cause du climat et de la concentration de la population dans des zones à risques". La proposition de loi prévoit d'allonger les délais de déclaration après la survenance de la sécheresse, de nommer un référent "catastrophe naturelle" par département pour faciliter les démarches des maires. Autre avancée selon la député Marguerite Deprez-Audebert "Il fallait aussi sécuriser l'indemnisations des dégâts et nous demandons à ce que les victimes qui ne peuvent plus habiter chez elles soient relogés".   

Une réforme très attendue par le maire de Wannehain (dans le Nord) où 10% des maisons ont des fissures, Jean-Luc Lefebvre : "Ce que je réclame, en tant qu'élu, c'est qu'il y est plus de transparence et de décentralisation, que la décision de reconnaitre une catastrophe naturelle se fasse au niveau de la préfecture, pas à Paris, pour aller vérifier sur place la réalité des choses". Ce maire obtenu la reconnaissance de l'État de catastrophe naturelle pour la sécheresse de  2019 mais pas pour les trois années précédentes : "Je ne peux pas entendre qu'en 2017, je ne sois pas retenu catastrophe naturelle quand j'ai 45 maisons fissurées et qu'on sait qu'on est construit sur de l'argile". Autre inquiétude, avec le changement climatique les sécheresses se répètent, or le législateur reconnait une catastrophe naturelle par son caractère exceptionnel  "Si tous les ans il y a une sécheresse, il n'y aura plus ce côté exceptionnel donc il n'y aura plus d'indemnisation, c'est ma crainte" explique Jean-Luc Lefebvre.  

Dans le département du Nord une cinquantaine de maires ont entamé un recours juridique contre l'État, ils contestent la non-reconnaissance comme catastrophe naturelle de la sécheresse de l'été 2018.