Portraits de migrants : Virginia, Lituanienne de Peterborough

France Inter
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Immigration en Angleterre
Immigration en Angleterre
© Reuters - Phil Noble

On part aujourd’hui en Grande-Bretagne, où le solde migratoire est en forte hausse depuis quelques années. Il s’agit d’un sujet brûlant qui rejoint le débat sur l’Europe.

Virginia est une femme de 36 ans qui fait plus jeune que son âge. Petite, visage fin, cheveux noirs, elle est souriante, pétillante. Elle vit seule avec son fils de 15 ans née en Lituanie. Elle a un compagnon, lituanien également, qu’elle a rencontré en Angleterre. Voilà maintenant sept ans qu’elle habite à Peterborough où elle avait rejoint une amie en 2008.

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Tout le monde vient pour la même chose : du travail. La vie est meilleure ici. Je ne sais pas trop pourquoi mais je suis parti d’un coup. Quelqu’un m’a dit « Viens en Angleterre ». Je ne parlais pas anglais mais j’y suis allé, j’ai travaillé pour une agence d’intérim. J’avais une amie ici qui m’a un peu aidé car elle connaissait du monde. J’avais besoin d’argent pour aider mes parents malades en Lituanie. Un an plus tard, mon fils m’a rejoint, il est allé à l’école ici. Et voilà mon histoire.

Virginia n’a pas choisi Peterborough par hasard. Il y a dans cette ville des Midlands une forte communauté d’immigrés d’Europe de l’est, attirés par les nombreux emplois saisonniers dans le secteur agricole.

D’ailleurs, Virginia a longtemps travaillé dans un abattoir de poulets.

Peterborough compte près de 200.000 habitants. Sa population a bondi à partir de 2004 quand dix pays d’Europe de l’Est, dont la Lituanie, ont rejoint l’UE.

La Grande-Bretagne n’a pas imposé de restrictions à l’accueil des ressortissants de ces pays. Des centaines de milliers d’Est-européens ont alors émigré en Angleterre. D’où un débat ici depuis quelques années : sont-ils trop nombreux ? Virginia a vécu ça de l’intérieur :

Je dirais que la moitié des gens en Angleterre sont sympas, mais pas l’autre moitié. Ils pensent qu’on vient pour les allocations sociales. Mais comment peuvent-ils dire ça ? Je ne comprends pas. Pour moi, les allocations ne sont qu’une petite aide. Quand des gens disent « Les immigrés viennent pour les allocations », je leur dis « Mais comment ça ? ». On ne peut pas tricher, on reçoit des lettres, des coups de fil, il faut dire combien on gagne, combien d’heures on travaille. Comment peut-on toucher des aides sans rien faire ?

Précisons que Virginia touche environ 80£ par mois d’allocations pour élever son fils, un peu plus de 110 euros.

La question des aides sociales au centre du débat sur l’UE au Royaume-Uni

C'est qu’on appelle le tourisme des allocations sociales . La presse populaire de droite et le parti europhobe UKIP, entre autres, alimente la controverse : les Européens viennent ici pour toucher des aides sociales.

David Cameron veut ainsi priver les immigrés européens d’allocations pendant leurs quatre premières années au pays. C’est l’une des réformes qu’il cherche à négocier avec les 27 avant le référendum sur l’Europe prévu d’ici deux ans. Une réforme qui va à l’encontre du principe de libre circulation des personnes. Cameron vise clairement les immigrés d’Europe de l’Est. Virginia ne comprend pas ce discours.

Je suis très en colère contre ce discours car je travaille dur ici, je paie tous mes impôts, toutes mes factures. Moi je ne gagne pas grand-chose et je travaille vraiment dur depuis sept ans. Je ne suis pas venue pour toucher des allocations, mais pour travailler, pour avoir une vie meilleure car je pense que c’est le cas en Angleterre. Je le répète, je paie les factures, les impôts, je paie tout ce qu’il faut.

Les études montrent que les immigrés sont très peu nombreux à venir en Grande-Bretagne pour les allocations. Ils apportent plus d’argent au pays qu’ils n’en retirent. L’immense majorité d’entre eux ont un travail. Cela dit, la forte pression migratoire pose problème dans certains services publics, notamment les hôpitaux et les écoles.

En ce moment oui je suis heureuse mais c’est chaque année plus dur. La nourriture est chère, il faut payer les factures. Je ne sais pas où j’en serai dans un ou deux ans. En tout cas dans mon pays, il n’y a pas assez de travail, le système est plus dur.

Virginia envisage même de demander un jour la nationalité britannique . Mais, comme presque tous les immigrés européens, elle redoute une sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Le référendum sur l’Europe devrait avoir lieu à la fin de l’année prochaine.