L’Elysée et les services de l’Etat étaient au courant de l’existence du compte suisse de Jérome Cahuzac ?
Pour le secrétaire général de l’Elysée Pierre-René Lemas : la réponse est non. Officiellement, un seul coup de fil alerte l’Elysée sur l’existence de ce compte. C’était le 15 décembre dernier : Michel Gonelle, l’ancien maire de Villeneuve sur Lot, l’homme qui avait conservé le fameux enregistrement avec la voix de Jérome Cahuzac, Michel Gonelle alerte par téléphone le directeur adjoint de cabinet de François Hollande. Les choses en restent là, mais le chef de l’Etat sait que l’affaire est sérieuse.Le ministère de l’Intérieur a-t-il informé le pouvoir avant la justice ? C’est ce qu’affirme notamment Le Canard enchaîné, pour qui François Hollande disposait depuis Noël dernier d’une note policière validant l’enregistrement. Information démentie par Manuel Valls, d’abord dans un communiqué, puis hier soir sur le plateau de France 2. " Il n’y a pas eu d’enquête parallèle", explique le ministre de l’Intérieur.Sans parler d’enquête parallèle, plusieurs sources estiment vraisemblables et logiques que des éléments de validation sur ce fameux enregistrement remontent au sommet de l’Etat.Fin connaisseur des réseaux policiers de la franc-maçonnerie et du renseignement, Alain Bauer avait lâché cette petite phrase à la journaliste Ariane Chemin du Monde, juste après les révélations de Médiapart : "Mais évidemment que Jérome Cahuzac a un compte en Suisse !"Mais lorsque nous l’interrogeons Alain Bauer marche subitement sur des œufs : "J’ai dit au Monde que Cahuzac ne disait pas la vérité, c’est tout, nous explique Alain Bauer. C’était juste une intuition, dit-il. Un sentiment. Le fruit de mon expérience. Mon métier est de reconnaître les menteurs." Ça s’appelle un rétro-pédalage…En tous cas pour le journaliste de la Croix, Antoine Peillon, qui a longuement enquêté sur la fraude fiscal, il est impossible que, par le passé, les services de renseignement n’aient pas suivi Jérome Cahuzac à la trace.Et dans le journal La Croix de ce matin, Antoine Peillon révèle un document : des officiers de la DCRI qui dénoncent justement les dysfonctionnements du renseignement français sur la fraude fiscale, et notamment sur UBS.Y-a-t il eu alerte au niveau du ministère de l’Economie et du Budget ? Oui, selon Rémy Garnier, cet agent du fisc du sud-ouest qui en juin 2008 avait rédigé un mémoire accusant déjà Jérome Cahuzac d’avoir un compte en Suisse, sans citer le nom de la banque. Mémoire transmis à sa hiérarchie, mais aussi à son ministre de tutelle, un certain Eric Woerth. D’où l’incompréhension aujourd’hui de Rémy Garnier. A l’époque, Rémy Garnier écope même d’une sanction disciplinaire de son administration.Interrogé hier à l’Asssemblée par Nasser Madji, hors micro, Eric Woerth répond qu’il ne connaît pas Rémy Garnier, qu’il n’a jamais entendu parler de toute cette affaire. "Je ne veux pas donner vie à cette histoire", conclut Eric Woerth.Et pourtant, cette histoire est loin d’être terminée : un autre protagoniste de l’affaire, l’homme de l’enregistrement, Michel Gonelle, affirme également que dès 2008 un fonctionnaire des douanes, spécialiste de la fraude fiscale, aurait enquêté sur le compte de Jérome Cahuzac.Ce fonctionnaire des douanes, et sans doute d’autres lanceurs d’alerte, vont désormais être entendus par les juges Van Ruymbeke et Le Loire. La déflagration Cahuzac ne fait que commencer...